L’année prochaine, le Louxor aura 100 ans.
Les vieilles salles de cinéma et leur aura
100 ans de fêtes — savais-tu qu’avant c’était une boîte de nuit ? — et de belles programmations à l’angle du boulevard de la Chapelle et du boulevard Magenta, où les cinéphiles les plus avertis côtoient désormais les néophytes.
Sous les voûtes égyptiennes qui surplombent Barbès, les passions et les histoires vivent tranquillement.
Perso, je trouve que les salles de cinéma jouent pour une partie du plaisir ressenti lors d’une séance.
Il y a quelque chose dans leurs murs, dans leur odeur, dans la décrépitude de leurs fauteuils de velours, qui encourage l’immersion complète dans une œuvre, je trouve.
Les histoires ont fini par imprégner les lieux au point d’accroître les émotions des spectateurs.
Au point d’ailleurs d’accroître les miennes samedi après-midi, à 16h30, quand je suis retournée au Louxor après 2 ans sans lui rendre visite, pour voir 1917.
1917, de quoi ça parle ?
En 1917, en pleine Première Guerre mondiale, Schofield et Blake, deux caporaux britanniques, sont sur le point d’accomplir une mission-suicide.
Ils doivent empêcher un massacre en prévenant d’autres soldats que les Allemands leur ont tendu un piège, et se lancent dans une course effrénée contre le temps et la mort. Course de laquelle ils pensent ne jamais revenir vivant.
S’ouvrent alors les heures les plus longues de leur vie, où chaque minute compte et peut s’avérer fatale.
1917, c’est un coup de baïonnette en plein bide dont il est difficile de sortir sans séquelles et le souffle tranquille.
1917, mon film préféré depuis très longtemps
La cérémonie des Oscars 2020 se tiendra le 9 février prochain à Los Angeles, et cette année, je n’ai aimé que peu de nommés.
Seuls Parasite et Les Misérables, toutes catégories confondues, étaient parvenus, en 2019, à me faire vraiment sortir de ma zone de confort cinématographique et sociale.
Mais ça, c’était avant que je ne voie 1917, qui d’après moi surpasse les autres d’un point de vue rythmique et filmique.
1917 est le seul long-métrage en compétition qui m’a fait trembler sans interruption, et m’a placé la boule au ventre pendant 1h50.
J’ai été saisie dès la première minute pour ne plus jamais sortir de l’intrigue, qui se termine comme elle a commencé, dessinant une belle boucle.
Pourquoi voir 1917 ?
1917 s’ouvre sur le visage juvénile du soldat Schofield en plein repos.
Une quiétude de courte durée puisque lui et son ami doivent vite partir en mission quasi-suicide.
Une mission que tu auras l’impression de mener toi-même, douce lectrice, si tu laisses une chance à ce chef-d’œuvre nommé 10 fois aux Oscars.
Tu n’aimes pas les films de guerre d’ordinaire ?
Sache que 1917 est beaucoup plus qu’un film sur l’horreur des tranchées. Voilà pourquoi tu devrais lui consacrer un morceau de ton temps.
1917, filmé comme un seul plan-séquence
Si ce terme technique t’est parfaitement inconnu, sache qu’un plan séquence est un long plan ne comportant pas de coupures.
Il est filmé en une seule fois, ce qui permet une continuité narrative et une belle immersion au cœur de l’action.
C’est là l’une des prouesses de 1917 et l’un de ses éléments marketing les plus forts : il est filmé comme un seul plan-séquence.
En réalité, il s’agit d’un faux plan-séquence, puisqu’il est possible, à plusieurs moments, de déceler des coupes et des trucages.
Mais peu importe, les gros plans-séquences qui constituent l’entièreté du film demeurent impressionnants.
Beaucoup de réalisateurs se sont essayés à cette technique, comme Alfred Hitchcock dans La Corde, un film qui sert souvent d’exemple aux jeunes cinéastes.
Sauf que de tous les longs-métrages tournés en plans-séquences que j’ai pu voir, 1917 a quelque chose de plus contraignant : c’est un putain de film de guerre.
Donc ça explose, ça se bat, ça tombe, ça se relève et ça meurt. Autant dire que les contraintes de chorégraphie sont de taille.
Et ici, tout est maîtrisé, millimétré, au point qu’il est difficile de sortir de la projection sans avoir immédiatement envie de regarder le making-of pour comprendre comment le tout a été monté.
Si un spectateur un peu cinéphile aura sans doute repéré les trucages, il est possible de n’en rien voir pour un néophyte.
Et pour cause, le réalisateur Sam Mendes n’est pas étranger à la caméra.
Dès son premier film (American Beauty
), le cinéaste a reçu pas moins de 5 Oscars, dont celui du meilleur réalisateur et celui du meilleur film.
Il s’est ensuite vu confier, en 2012, la réalisation de deux opus de James Bond : l’excellent Skyfall et l’un peu moins réussi (d’après moi) Spectre.
Dans ce dernier d’ailleurs, je me souviens qu’un joli plan-séquence ouvrait le volet. Bref, Sam Mendes est coutumier des réalisations soignées et ambitieuses.
1917, un casting surprenant
Dans le rôle du caporal Schofield, j’ai été surprise de voir George MacKay, que j’adore au demeurant pour avoir joué dans de jolis films au succès discret comme Le secret des Marrobowne, Pride et Ophelia.
Son air placide, ses traits nets et son regard doux séduisent à chacune de ses interventions.
Mais jamais la puissance de son jeu ne m’avait autant sidérée que dans 1917.
Erigé en héros très classique d’un point de vue cinématographique, l’acteur de 27 ans marche dans les pas des grands hommes qui ont marqué l’histoire des films de guerre.
Il a un peu de Tom Hanks dans Il faut sauver le soldat Ryan, un peu de Martin Sheen dans Apocalypse Now et beaucoup de Kirk Douglas dans Les sentiers de la gloire.
D’après moi, il aurait largement pu concourir pour l’Oscar du meilleur acteur lors de la cérémonie 2020, sa performance rappelant celle de Leonardo DiCaprio dans The Revenant.
À charge de revanche, j’espère.
À ses côtés, Dean-Charles Chapman est parfait aussi, dans un rôle plus énervé de héros shakespearien, partant en mission pour sauver son frère.
Mais ce qui m’a vraiment surprise, c’est la présence de seconds rôles ultra-prestigieux, qui ne sont là que pour balancer 2 ou 3 répliques.
Tu pourras par exemple retrouver Benedict Cumberbatch, Colin Firth et Richard Madden pour quelques secondes, pas plus. Ils viennent renforcer un casting déjà au top.
1917, une action en « temps réel »
1917 dure précisément 1h50 et oui ça, a son importance. Car l’action est censée se dérouler en temps réel, ce qui permet une incursion totale dans l’intrigue.
Au plus près de l’action, j’ai eu l’impression d’accompagner le soldat dans chacune de ses péripéties, le fusil à la main et la gorge nouée.
Dans sa critique, le magazine Télérama parle de 1917 comme d’une véritable Odyssée, et je ne peux que lui donner raison, car 1917 se vit comme la plus grande des aventures.
Et c’est notamment l’illusion du temps réel qui permet d’y prendre part.
1917, des images à couper le souffle
Si la plupart des médias s’attardent surtout sur les trucages des plans-séquences, ce qui m’a encore davantage bluffé, c’est la beauté de la photographie.
Je pense notamment à une séquence magnifique, qui se déroule dans une ville d’Ecoust en proie aux flammes.
Le rouge et le noir s’embrassent à l’écran pendant que les hommes s’entretuent. C’est aussi sublime que violent.
1917, c’est plus qu’un film, c’est un spectacle à couper le souffle qui n’admet pas l’ennui.
Aucune longueur, en effet, dans cette fiction-réalité efficace où chaque minute, chaque seconde, peut faire basculer le récit dans l’horreur.
Si 1917 n’est pas toujours crédible, en cela par exemple que Schofield échappe un peu trop souvent aux balles de ses ennemis, ça n’est pas ce que je retiendrai.
Ce dont je me rappellerai, et pour toujours j’en suis sûre, c’est de la minutie, du travail d’orfèvre, qu’ont accompli chacun des membres techniques du film.
Je me souviendrai aussi de la beauté des plans, des flammes d’Ecoust, de la folie des hommes, de la peur dans les yeux de Schofield.
Et par dessus tout, je me rappellerai de l’héroïsme des deux caporaux, prêts à tout pour sauver les leurs et tenir leurs promesses.
1917, un film hommage
1917, ça n’est pas qu’un film parmi les autres pour le réalisateur Sam Mendes. Non, c’est une œuvre personnelle, un travail de mémoire et d’hommage accompli avec brio.
En effet, cette histoire lui a été inspirée par les récits que son grand-père Alfred, messager dans les Flandres pendant la Première Guerre mondiale, lui a racontés.
C’est ce qu’expliquent quelques lignes à la fin de 1917, qui viennent porter un dernier coup aux cœurs déjà meurtris des spectateurs.
1917, c’est donc une œuvre complète qui réunit perfection technique, émotions, esthétique et belle intention.
Autant dire que tu n’as plus aucune excuse, douce lectrice, pour ne pas tenter l’expérience.
Même si tu n’aimes pas les films de guerre. Même s’il t’est difficile de regarder l’horreur droit dans les yeux. Même si le sang te répugne.
Le cinéma ça sert aussi à ça, à te sortir de ta zone de confort.
Alors fais-moi confiance et fonce sans plus tarder découvrir ce futur oscarisé.
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Les Commentaires
Est-ce qu'il y a beaucoup de scènes "gore"? Je veux dire si on "craint les effets spéciaux trop réalistes" est-ce que c'est une bonne idée d'aller voir ce film?