L’inaction climatique coûte cher au gouvernement. Dans une décision « historique » rendue le mercredi 4 août, le Conseil d’État a condamné la France à payer une amende de 10 millions d’euros. En cause, l’incapacité des pouvoirs publics à abaisser les niveaux de pollution de l’air sous les normes sanitaires.
La plus haute juridiction administrative justifie cette sanction par « la gravité des conséquences en termes de santé publique » et « l’urgence qui en découle » — en France, on estime que la pollution de l’air serait à l’origine de 48.000 à 67.000 décès prématurés par an.
C’est la première fois que le Conseil d’État impose une telle astreinte pour faire respecter l’une de ses décisions. « On est au-delà du symbole », s’est félicité Maître Louis Cofflard, l’avocat de l’association Les Amis de la Terre, interrogé par France Info. L’amende pourra être renouvelée dans six mois, si les objectifs ne sont toujours pas atteints.
Des avertissements à répétition
Les gouvernements successifs étaient pourtant prévenus. Dès 2015, l’ONG Les Amis de la Terre avait saisi le Conseil d’État pour contraindre la France à appliquer la directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air.
La juridiction administrative avait ensuite ordonné, en juillet 2017, la mise en œuvre de toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote (NO2) et en particules fines PM10 (inférieures à 10 micromètres) de treize zones géographiques sous les valeurs limites, « dans le délai le plus court possible ».
Spoiler : ça n’a pas suffi.
En juillet 2020, huit agglomérations (Paris, Marseille-Aix, Lyon, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Reims et Fort-de-France) dépassent encore les seuils autorisés et le Conseil d’État se voit contraint de poser un ultimatum au gouvernement. Celui-ci a six mois pour rectifier le tir, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard — soit un peu plus de 54.000€ par jour.
Les six mois passent et le Conseil d’État procède à une nouvelle évaluation, en janvier 2021, des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de l’air. Parmi elles, on trouve notamment le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles concernées par les dépassements, mis en avant par le gouvernement.
Si les juges constatent une amélioration, ils estiment cependant que ces mesures ne sont pas « de nature à mettre un terme aux dépassements encore constatés ou de consolider la situation de non-dépassement ».
L’addition peut encore grimper
L’amende de 10 millions d’euros ne concerne que le premier semestre 2021 : un nouvel examen mené par le Conseil d’État aura lieu début 2022 pour juger les actions menées au second semestre. En cas d’insuffisance, la juridiction pourra « à nouveau ordonner le paiement d’une nouvelle astreinte de 10 millions d’euros, qui pourra éventuellement être majorée ou minorée », précise le communiqué du juge administratif.
Pour l’instant, cinq zones sont encore concernées par le dépassement des seuils limites : Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble. Et malgré la chute historique de la pollution due au confinement, le Conseil d’État estime qu’un « rebond » post-crise n’est pas à exclure pour l’ensemble des zones.
Il serait temps de passer à l’action
Mais au fait, à qui l’État va-t-il payer les 10 millions ?
Le Conseil d’État a décidé de répartir cette somme entre plusieurs agences publiques comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire et des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. Enfin, 1% du montant (100.000€) reviendrait aux 77 associations requérantes, dont fait partie les Amis de la Terre.
« Après des années de violation de la législation européenne, nous espérons que cette amende historique aura enfin un effet déclencheur pour les pouvoirs publics », commente Maître Louis Cofflard, l’avocat des Amis de la Terre.
Une autre décision « historique » du Conseil d’État a récemment rappelé l’inaction du gouvernement pour protéger la planète : le 1er juillet, les juges ont donné à l’État neuf mois pour « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre » afin de tenir ses objectifs.
Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Alors maintenant il faut choisir : respecter ses promesses ou signer des chèques ?
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Crédit photo : Justin Bautista / Unsplash
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