Ce sont des chiffres qui montrent que mener le combat contre les violences sexistes et sexuelles passe aussi par un changement en profondeur des représentations du viol et des victimes.
L’association Mémoire traumatique et victimologie publie la troisième enquête menée sur le sujet menée par Ipsos (deux autres études ont déjà été effectuées sur ce thème, en 2016, puis en 2019). Il s’agit donc d’observer les évolutions en cours sur la perception des violences sexuelles et sur les stéréotypes de genre et de constater des améliorations, ou au contraire, des reculs.
La crainte de la fausse accusation de viol, toujours bien présente
En 2019, 20 % des répondants affirmaient que « les femmes aiment être forcées et ne savent pas ce qu’elles veulent ».
Aujourd’hui, 11 % sont d’accord avec l’idée que beaucoup de femmes prennent du plaisir à être forcées et 11% approuvent l’affirmation selon laquelle beaucoup de femmes disent « non » mais en pensant « oui » quand elles reçoivent des avances pour des relations sexuelles.
Le risque de fausse accusation de viol est encore un lieu commun persistant.
37% des personnes interrogées estiment que les accusations de viol par vengeance ou par déception amoureuse sont fréquentes. Un stéréotype encore plus répandu chez les 18-24, puisque un jeune adulte sur deux croient en cette affirmation.
Par ailleurs, 59% des personnes interrogées craignent que la libération de la parole sur les violences sexuelles sur les réseaux sociaux fasse courir un risque de délation ou de fausses accusations.
Certains stéréotypes sur les violences sexuelles ont cependant reculé de manière significative : face à l’affirmation « lorsqu’une femme ne réagit pas et ne s’oppose pas, on ne peut en aucun cas parler de violences sexuelles », ils ne sont plus que 22% à être d’accord, alors qu’ils étaient 30% en 2019. Un préjugé largement plus répandu chez les hommes (28%) que chez les femmes (16%).
Autant de données qui montrent que la culture du viol est encore bien ancrée dans les esprits.
Seuil de consentement, dépôt de plainte… la méconnaissance perdure
L’enquête illustre aussi que l’accès à l’information est lacunaire.
Le changement dans la loi de protection des mineurs face aux crimes sexuels est récent sur ce point, néanmoins le seuil de non-consentement est encore très méconnu dans la population générale !
65% des répondants ignorent qu’il est fixé à 15 ans dans une relation sexuelle entre un adulte et un mineur, et 76% qu’il est fixé à 18 ans dans le cas d’un inceste.
En outre, 26% des personnes interrogées ne connait aucun des services d’aide et de soutien aux victimes de violences.
Un quart ignore que la police ou la gendarmerie ne peut pas refuser de prendre une plainte, et presque les trois quarts ne savent pas qu’il est possible de porter plainte directement auprès du procureur de la République.
Quant à la perception de l’accueil des victimes, 41% des personnes interrogées pensent qu’elles sont bien reçues dans les commissariats, contre 48% qui estiment le contraire.
L’association Mémoire traumatique et victimologie estime que « le niveau de tolérance baisse vis-à-vis des violences sexuelles » et constate aussi « une forte attente des Français·e·s ».
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Crédit photo : Maëlle Le Corre
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Les Commentaires
Même lorsque l'accusé reconnait les faits comme l'a fait Agnel par exemple, je ne compte plus le nombre de fois que j'ai lu "ok, c'est pas moral de coucher avec une ado quand on a 24 ans mais elle était consentante" ou "le père se sert de ça pour empêcher Agnel de réclamer l'argent qui lui est dû". En fait, j'ai l'impression que l'opinion publique sur ces abus sexuels n'a guère évolué depuis les années 70.
Les idées reçues sur le viol du type "un violeur, c'est un type louche qui viole les femmes seules dans les ruelles sombres" sont encore très courantes également, d'où la difficulté de faire admettre les viols conjugaux.