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La vie entravée des femmes – Carte postale d’Inde

La place des femmes en Inde n’est pas vraiment à envier. Viols, liberté entravée, habillement contrôlé… Roberte, expatriée, vous raconte.

Je vous racontais dans ma dernière carte postale d’Inde (la première, en fait) que mon statut d’expatriée me semblait valoir plus en Inde, que ma condition de femme. Deux viols qui défraient la chronique internationale plus tard, revenons sur la place des femmes au pays de Gandhi.

Les femmes en Inde, avant le viol collectif de Delhi

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Quand je suis arrivée à Chennai, l’un de mes premiers achats fut un magazine féminin. J’ai essayé de trouver un équivalent indien, en supposant que la couverture faisait foi, à n’importe quel Cosmo parisien. Pas spécialement par affection pour ce genre de littérature, mais plus pour prendre le pouls de la jeunesse indienne, du côté des femmes. J’ai ramené Perfect Woman à la maison et j’ai entamé ma lecture. On y parlait régime, fashion et autres luv stories. Mais aussi et surtout de l’avortement sélectif qui prive chaque année l’Inde de 700 000 petites filles et explique un déficit total de 40 millions de femmes. 40 millions, c’est la population totale de l’Argentine, pour vous donner une idée. L’article décrivait la maladie rampante de l’Inde, le foeticide féminin pratiqué dans les villages retirés, qui n’ont d’équipement médical que celui qui permet de déceler le sexe des bébés in utero afin de pouvoir bricoler un avortement approximatif au plus tôt. Pourquoi ? Parce que la tradition (et certaines lois sur la succession encore en vigueur à l‘échelle nationale) veut qu’une fois mariée, la fille reçoive une dote de sa famille et parte vivre dans la famille de son mari. Autant d’argent qu’un garçon, en se mariant, ramène à sa famille en même temps que sa femme. Le calcul est vite fait.

La journaliste, entre deux papiers sur l’équilibre perso-boulot dans la vie d’une jeune femme indienne bien dans son époque, parlait aussi de l’évolution de l’avortement sélectif. En effet, s’il fut longtemps perpétré par les parents eux-mêmes, il est aujourd’hui rendu possible par des cliniques spécialisées, exécuté par des médecins tout ce qu’il y a de plus diplômés et ce en totale contradiction avec la loi. La force des traditions et le miracle de la technologie, au pays merveilleux des classes aisées indiennes. En Inde, dans les grandes et moyennes villes, disons dans les villes qui ne sont pas assez reculées pour se soustraire aux lois, donner le sexe du bébé à une femme enceinte est formellement interdit. Ça donne le ton.

Mais le pays change. Les magazines féminins, on vient de le voir, existent. Et on sent que l’émancipation est en marche. Des actrices y posent, y exposent leur sensualité, expliquent qu’elles l’assument. C’est un minuscule début, mais un début quand même.

Puis il y a eu le viol collectif de Delhi…

Avant toute chose, il faut bien comprendre que le viol en Inde n’a rien d’une nouveauté. Il est presque culturel dans la mesure où nous parlons ici d’une pratique dramatiquement banale.

Alors, pourquoi tant de bruit autour du cas de Delhi ? À cela, deux raisons. La première, sa brutalité. Le viol collectif de Delhi était d’une rare barbarie, d’une cruauté sans bornes, propre à rassasier un public friand de sensationnel. On en parlera plus tard, mais le succès, la nature et l’ampleur du cinéma indien donnent une excellente idée de l’appétit de son public pour le spectacle.

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La seconde raison à ce battage médiatique prend ses racines dans le rôle passif qu’a joué la police. Elle n’a rien fait, pas réagi, a laissé des heures et des heures s’écouler entre le début et la fin du viol d’abord, entre la fin du viol et la prise en charge de la victime et de son ami ensuite. Les autorités ont failli. Pour la première fois, on se rend compte que le sexisme handicape les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions. Or les forces de l’ordre représentent l’État. Le sexisme entache donc publiquement l’État, et pour une jeune et vacillante démocratie comme l’Inde, cela pose un problème d’honneur et de crédibilité. Comprenez bien : l’incompétence des autorités indiennes face à un crime particulièrement odieux met le gouvernement, qui s’enorgueillit pourtant d’avoir placé des femmes à nombre de postes stratégiques, dans une position plus que délicate. Une contradiction flagrante apparaît entre les sphères dirigeantes mixtes, et leurs représentants locaux aveuglés par le sexisme et sourds aux supplications d’une citoyenne pourtant victime d’un crime.

Ce n’est pas tant le fait qu’une femme de plus a été violée qui a interpellé l’opinion. C’est le côté spectaculaire du crime et l’offense aux institutions gouvernementales qu’il constitue. C’est triste à dire, mais il y a une nuance.

Qu’est-ce qui a changé après ?

Depuis, il me semble que la sensibilisation passe plus par des leaders intellectuels que par les leaders politiques. Les stars bollywoodiennes prennent la parole et certaines personnalités féminines émergent. Celle qui me met le plus de cœurs dans les yeux est Sarojini Sahoo et son travail d’éveil des consciences sur la sensualité et le tabou de la sexualité. Deux enjeux majeurs en Inde, qui, peut-être plus encore que le statut de la femme, sont au cœur du problème du viol. Elle en parle, et c’est le début de tout. Maintenant que le mal est pointé, les consciences peuvent commencer à se poser des questions et à reconsidérer la femme.

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Personnellement, depuis la tentative d’agression de l’une de mes collègues, j’ai renoncé à me cacher les bras, les jambes et le décolleté. Je refuse d’être complice d’un tabou moribond et je fais désormais mes courses en débardeur en me disant que plus ils en voient (des débardeurs, hein, pas forcément l’intégralité de mon anatomie), moins ce sera tabou. Changer le monde par la mini-jupe, donc.

En dehors de ça, on voit fleurir, depuis la déferlante médiatique autour du viol de Delhi, tout un parterre de lois aussi brutales que les crimes qu’elles entendent punir à base de peine de mort, castration chimique et autres joyeusetés toutes là pour sanctionner plutôt que pour prévenir. Aucun discours sur le statut de la femme, aucune mesure préventive d’éducation visant à promouvoir l’égalité des sexes et de manière générale, une absence patente d’initiatives en amont du problème. Le chemin est encore long.

La résistance au changement

Le gouvernement indien présente la particularité d’être encore totalement indifférencié de la culture et de ses croyances, ce qui constitue un frein majeur au changement. Quand je demande à mes collègues, pourtant totalement affranchis de la tradition, pourquoi je vois si peu de femmes enceintes dans les rues, ils m’expliquent, pétris de bienveillance, que c’est pour leur bien. Énormément de croyances, encore très présentes dans la société et tolérées par la législation, augurent mille dangers pour la femme enceinte (handicap ou perte du bébé, accouchement par le siège, etc), selon que la lune soit pleine ou décroissante, ou bien qu’il pleuve à l’heure de midi par l’alignement de Vénus et de Jupiter. Autant de coutumes qui confortent la plupart des hommes dans leur conviction que s’ils gardent les femmes enceintes à la maison, pour reprendre cette pratique en particulier, c’est pour la bonne santé de la mère et de l’enfant.

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Même chose quand ils parlent de l’émancipation des femmes. L’image qui m’a marquée le plus est celle de l’oiseau libre et de l’oiseau en cage, toujours lors d’une discussion pendant la pause clope :

– Comment volera l’oiseau qui est né dans une cage si on l’en libère ? me demanda l’un de mes collègues. – Bah chais pas, il va pt’être manquer d’entraînement physique l’animal ? tentai-je timidement. – Que nenni, me répondit-il en plein élan lyrique, il volera dans tous les sens, ivre d’une liberté qui lui a trop longtemps manqué et prendra toutes les branches que l’adversité mettra sur son chemin, de plein fouet et en pleine gueule.

Ça avait le mérite d’être clair.

Ce que le discours de mon collègue met en avant, c’est que les hommes indiens de notre génération ne sont pas opposés à l’émancipation des femmes. On ne peut pas empêcher un oiseau de voler. Ils ne parviennent tout simplement pas à envisager que les femmes puissent s’en sortir seules, faute de précédent.

Un autre facteur qui handicape lourdement l’émancipation de la femme, mais dont l’Inde est loin de détenir le monopole, est la pauvreté. Le facteur économique, qui annihile dès le départ la moindre possibilité d’indépendance. Dans les slums, là où les populations sont les plus pauvres, le poids des traditions est tout particulièrement lourd et l’éducation impossible à obtenir. Rappelons que l’Inde comptait en 2010 70% de pauvres et la conclusion s’impose d’elle-même : jeu, set et nuisette anti-viol.

La prochaine carte sera plus légère, je vous éduquerai aux subtilités de la conduite indienne !

Que penses-tu de ces problématiques ? Quelles solutions peux-tu imaginer pour sensibiliser un si grand pays à l’égalité hommes-femmes ?


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

10
Avatar de Noctys
9 avril 2013 à 21h04
Noctys
En leur rappelant que lorsqu'on maltraite une femme, on maltraite Mataram - la mère patrie.
0
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