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Le selfie, un phénomène qui prend de l’ampleur

Le selfie est une pratique qui tend à conquérir tous tes écrans. Mais c’est quoi, au juste, toutes ces bouches en coeur ? Une simple tendance ou un phénomène de société ?

J’ai une mauvaise manie le matin : au lieu de lever mes bras vers le plafond pour laisser mes aisselles dire coucou au soleil et permettre à mon dos de craquer un peu, je préfère me ruer sur mon portable.

L’excuse est toujours la même : j’ai pas de réveil, je ne vois donc pas l’heure. Le problème c’est que les quelques secondes qui auraient dû servir à me situer dans le temps se transforment en longues minutes passées à vérifier tous les réseaux sociaux sur lesquels je suis inscrite. Je fais partie de la génération ultra-connectée, il paraît…

Le truc c’est qu’à chaque fois c’est toujours la même chose : Instagram et autres applications de partage d’images ressemblent plus à la dernière pub L’Oréal qu’à un album photo Picasa. C’est sur toute ma timeline un défilé de gros plans et de moues boudeuses. Mais j’ai pas signé pour assister au casting de la prochaine saison de Top Model USA, il se passe quoi là ?

Le phénomène, qui s’est peu à peu emparé de ton écran, s’apelle le selfie. Contrairement au self-portrait (autoportrait), on parle de « selfie » surtout quand on a affaire à une photo prise avec un téléphone portable qui atterrit le plus souvent sur les réseaux sociaux.

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Rihanna pourrait te donner des cours par exemple. 

L’idée, en quelque sorte, c’est d’essayer de prendre le plus beau cliché de ton propre faciès avec l’aide de la caméra frontale de ton cher smartphone. Une fois ton oeuvre balancée sur Facebook, Pinterest, Instagram ou Snapchat, tu n’as plus qu’à prier pour qu’elle remporte un maximum de pouces en l’air et de commentaires à ta gloire. Rien de bien compliqué.

L’autoportrait : de l’espèce protégée à la surpopulation

Pourtant la chose n’est pas nouvelle. L’autoportrait ne date pas du dernier iPhone ni de ton premier tanga ! Des artistes comme Dürer, Van Gogh, Courbet et même Frida Kahlo s’y étaient essayés bien avant ta petite cousine.

À l’époque, il s’agissait pour les artistes de se faire reconnaître, il y avait une démarche artistique et pratique puisque la photo n’existait pas ou n’était pas très accessible.

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Frida Kahlo, « Self Portrait », 1940 

En 1900, avec la création de l’appareil photo Brownie par Kodak, l’utilisation se simplifie et les appareils deviennent portables. La Grande Duchesse Anastasia Nikolaevna a été une des premières ados à réaliser une « photo-miroir » (l’ancêtre de la photo-salle de bain) ! À 13 ans, elle se prend en photo via la glace de sa chambre et l’envoie à un de ses amis — on est en 1914.

AnastasiaNikolaevna

« Lache tes coumzz plz »

Oui, l’appareil photo est arrivé, mais vu le prix que coûtaient les pellicules et le développement, t’avais pas intérêt à tirer la langue sur la photo du réveillon de Noël aux côtés de Mamie et Papy.

Et puis le numérique a débarqué, et tout a commencé à partir en cacahuète. Imagine : pas de limite à ta créativité et la possibilité de retoucher et effacer tes photos en deux temps trois mouvements !

C’est à ce moment-là que les gens ont décidé de capturer de plus en plus de moments de vie : leurs vacances, puis leur bébé, leur cochon d’Inde, leurs amygdales, la pluie qui tombe, leur grand-tante bourrée à la communion du petit dernier, le pied d’Eminem au stade de France (flou), ainsi que tout un cas de choses très intéressantes.

Et crois-moi, entre l’album photo de voyage et l’autoportrait à la sortie de la douche, il n’y a qu’un clic.

Se prendre en photo soi-même, pourquoi ?

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L’homme est un animal avec une forte tendance à l’individualisme et au narcissisme. Faisons un test : imagine que tu sois enfermé-e dans une pièce sombre pendant, disons, un an. Lorsque tu sors, on met à ta disposition deux objets : un journal de la semaine dernière et un miroir. Sur lequel vas-tu te jeter en premier ?

Personnellement j’irais voir si j’ai pas perdu trois dents et si je ressemble plus à un ours à lunettes ou à Nosferatu. Ensuite on verra si les LinkUp ont fait leur grand retour ou si mon chat est devenu président du SAV de Whiskas.

Tout le monde cache en soi une part de narcissisme (même le pape fait des auto-portraits !) ; sans elle on n’aurait sûrement pas la confiance qui nous permet d’avancer et de croire en nous-même. C’est normal de se regarder dans la glace et de s’avouer qu’on se trouve pas si mal (ou de se trouver difforme dans le miroir maléfique de la cabine d’essayage).

Alors qu’il paraît plutôt naturel de se prendre en photo avec sa bande de potes, en train de faire un truc un peu cool, il est quand même plus étrange de penser à réaliser un portrait de soi, seul-e, pour aucune raison. Repense à ton premier selfie : pourquoi l’as-tu immortalisé ? Sans doute par besoin de faire comme les autres, par mimétisme.

Au départ le portrait sert à te désigner : tu en as besoin pour qu’on te reconnaisse officiellement (sur tes papiers d’identité). Avec l’avènement du numérique et d’Internet, de plus en plus de sites te demandent de t’identifier via une image qui te représente. Ce qui varie, c’est que tu peux réaliser toi-même ta propre photo, ton propre profil. Tu peux choisir ce qui te définit.

Te prendre en photo toi-même c’est pouvoir gérer ta propre image.

À la conquête de la photo de profil parfaite

Dans L’Encyclopédie de la Web Culture (Titiou Lecoq et Diane Lisarelli) on peut lire « Choisir sa photo de profil, c’est renaître un peu ». Et c’est pas faux.

La photo qu’on va assigner à notre profil est la porte d’entrée pour les potentiels visiteurs, il faut donc l’adapter à l’image que l’on veut véhiculer. Certain-e-s choisissent de ne pas trop s’afficher ; ce n’est pas du tout le cas de l’adepte du selfie.

Cette personne (toi, moi, ta soeur ou ton cousin) décidera, au contraire, de véhiculer un sentiment positif via une photo de son visage. Il faut être mis-e en valeur, le plus possible, quitte à s’écarter de ce que l’on est vraiment : utiliser Photoshop pour flouter un vilain bouton ou pour apaiser une peau en mode friteuse, c’est loin d’être exceptionnel.

On est bien d’accord, il n’y a pas de photo de profil idéale, de photos qui donneront à coup sûr envie à X et Y de t’envoyer une friend request. Il n’y a que l’idéal que l’on se construit.

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Même le crâne de Fab a droit à son selfie !

Un dictature moderne ?

Parler d’un carcan dans lequel on doit arriver à caser notre image n’est pas complètement vrai : tu n’es pas obligée de ressembler à un mannequin Victoria’s Secret, on ne te force pas à te teindre en blonde et à te muscler l’arrière-train.

Cependant, c’est vrai qu’on peut dire que le traitement qu’on inflige à notre image est de plus en plus dur. Comment résister à l’appel du selfie quand on voit des visages aux traits si fins défiler sur notre timeline ? C’est pas facile. Beaucoup de personnes ont de plus en plus de troubles de l’estime d’elles-mêmes face à ce bombardement d’images savamment travaillées.

Sur Internet, c’est facile d’être une bombasse. C’est facile d’être la meuf la plus cool de la Terre. C’est facile d’aller dire qu’on est vice-championne mondiale de course au fromage, qu’on fait du 95C, qu’on habite à Madagascar et qu’on sait parler aux lémuriens.

Les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de se créer une identité idéale. C’est sûr qu’il est difficile de rivaliser avec le profil de l’ex de ta moitié (si belle, et qui semble si sûre d’elle sur son Instagram aux 1500 followers). La jalousie 2.0 n’aidant pas, c’est souvent dans un esprit de « suiveuse/suiveur » que tu te lances dans ton premier selfie. C’est la course à qui aura le plus beau mascara, la bouche la plus pulpeuse, le plus joli sourire, et ça ne s’arrête jamais.

Je pense qu’à vouloir trop ressembler à quelqu’un d’autre on s’y perd un peu. Surtout, on s’expose au syndrome du sandwich McDo : magnifique sur papier, décevant en réalité. Car ce n’est pas notre vrai « nous » qu’on a forgé, mais une identité numérique et complètement virtuelle.

hachis

Ça marche aussi avec le hachis parmentier. (via Photos non contractuelles)

Analyse d’un bon selfie

En même temps, prendre une photo de sa face de temps en temps, si ça peut remonter notre estime de nous, ça fait pas plus de mal que ça. C’est même parfois l’occasion de se taper des bonnes barres de rire, à mater ta pote qui passe son temps à se ridiculiser en faisant les meilleures grimaces du monde.

Donc, si tu veux entrer dans l’ère du self-portrait à la sauce Instagram il te faudra suivre quelque mauvais petits conseils :

  • La duckface c’est has-been. Cette idée qui consiste à faire ressembler tes lèvres à un trou de balle n’est plus validée par les réseaux sociaux.
  • Il faut absolument que ce soit toi qui prenne la photo. Sinon on appelle ça un shooting sauvage.
  • Tu peux ajouter une légende drôle et qui te crédibilise genre « je sais que les selfie c’est d’la mouize, franchement je suis une ouf *smiley crotte mignonne* » ou « Allez c’est la dernière, juré *smiley filles qui dansent* ».
  • Soigne bien le fond. En gros, tente d’ancrer ta photo dans ta vie super active : prouve que tu es une personne qui remplit son existence d’aventures et de péripéties. En voiture ceinture bouclée, après la douche alors que tu viens de te couper en te rasant le genou, dans une cabine à Zara alors que tu viens de t’étouffer en essayant de retirer ce col roulé taille XS. Laisse venir l’inspiration.
  • Fais la tronche. Non, en fait tu peux sourire, mais moi j’ai toujours l’air d’un paresseux sous sédatif quand je me force à rire, alors je préfère faire la gueule.

Et là, miracle :

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Ça se décline gentiment…

Quand on parle de selfie on parle généralement d’une photo de son visage ou de son corps en général. Après, je pense qu’on reste dans ce même phénomène en ce qui concerne les clichés de bouffe, de billets de train, de doigts de pieds (pour montrer sa nouvelle verrue trop swaggie), de déco en carton, de « j’ai acheté trois slips » — et que personne ne s’insurge, je ne fais que décrire mon propre compte Instagram ! Les gens ont la possibilité de documenter leur vie en direct.

La vraie question à se poser est : « Est-ce que c’est vraiment intéressant ? » ; ta conscience te hurle NON, mais je serais moi-même tentée de répondre « Oui, oui, très ». C’est d’ailleurs ce qui me pousse à me jeter sur mon portable, immédiatement après une nuit sans nouvelles de la Terre entière. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais tant pis !

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Honnêtement que vois-tu d’intéressant là dedans :

  • Mes super bagues, parce que j’en ai plein, parce que je suis riche (non)
  • Mon billet de train, parce que je suis opé et toujours dans la place
  • Mes nouvelles chaussures trop belles que tu peux pas test
  • Moi, parce que c’est moi
  • La patte moisie de ma chienne, parce qu’il s’en passe des drames dans ma vie
  • Ma tresse en épi, parce que je sais suivre un tuto YouTube
  • Mon travail, parce que je suis HYPER fière de moi
  • Ma tatoueuse, parce que c’est pas n’importe qui
  • Mon chien, parce que je ne m’entoure que d’individus mignons
  • Ma chemise, parce qu’elle est moche, mais elle est belle. Et parce que je m’en fous de ce que tu penses d’elle vu que moi je la kiffe
  • Moi, parce que c’est moi, et que je suis la reine sur ce profil
  • Mon intérieur, parce que je sais écouter des groupe vénère mais je mets des plantes quand même
  • Ma super soirée avec mon chéri, parce qu’on a bu plein de trucs et que c’était sûrement bien mieux que ton samedi soir à toi
  • Mon trait de liner, parce que c’est la courbe parfaite
  • Moi, avec Evan Peters en mauvaise posture parce que je regarde American Horror Story et que je veux que tu saches que j’aime bien même quand c’est crade.

Autrement dit, rien… mais je suis sûre que tu as regardé quand même.

C’est tellement ridicule que c’est hyper facile de tourner le selfie en dérision. C’est un peu ce qu’a fait Ellie Goulding en septembre sur son propre profil.

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« C’était une belle journée dehors aujourd’hui #selfie »

On parle aussi beaucoup du profil Instagram de Benny Winfield Jr, l’homme aux dix mille selfies.

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Tu la sens la bonne humeur ? 

Ça tourne au n’importe quoi

Bien que la pratique du selfie puisse (mais c’est pas sûr) aider ta petite soeur à redorer son blason personnel, il y a des moments où j’ai envie de crier au scandale. Il n’y a pas de mal à faire une petite crise de narcissisme de temps en temps, mais parfois la tendance peut tomber dans le maladif. Et là c’est plus drôle du tout.

Je pense au Tumblr très swag Selfie At Serious Places qui consiste à grouper les selfies les plus débiles dans les endroits les plus improbables. Car si tu es plutôt marrante à te photographier fièrement devant ton superbe gratin dauphinois, le crétin jeune homme qui le fait devant le mémorial de l’Holocauste à Berlin ou devant un camp de concentration, il l’est tout de suite moins. Parmi les plus gratinés, je pense avoir choisi mon favori, si WTF qu’il en devient très drôle :

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« Je passe un peu de temps avec ma Mamie en ce joli dimanche ! »

Autre dérive du selfie : les poses à poil. La mode est par exemple à te prendre en photo en montrant seulement le bas de tes seins ou un bout de fesse.

Ce qui pourrait être une démarche artistique, ou de libération des mentalités, devient souvent un moyen de s’exhiber et d’afficher son narcissisme plutôt que ses courbes. Le problème c’est que quand on a pas franchement confiance en soi, ça a plutôt tendance à mettre le moral six pieds sous terre.

Je ne pense pas que la mode du selfie soit un phénomène, ou « le mal d’une génération à la dérive ». Elle est dans le prolongement normal de l’avènement de la connexion multipliée, de l’instantanéité. Il faut plaire au plus grand nombre, le plus rapidement possible.

En plus, les réseaux sociaux nous ouvrent les portes d’une identité vierge, qu’on peut mettre en place de A à Z. On n’est plus la personne qui tape sur le clavier mais une image qu’offre notre profil bien calibré.

Après, je pense que ça ne sert à rien de diaboliser l’autoportrait sur Internet si ça permet de se sentir mieux ou d’assouvir une pulsion d’amour-propre. C’est pas de la photo en elle-même qu’il faut se méfier mais bien du retour de bâton : la frustration et la perte de repères concernant sa véritable identité. En tout cas, je ne pense pas que le selfie est sur le point de disparaître, et c’est pas pour autant qu’il faut le diaboliser !

Non, ta pote qui s’affiche trois fois par jours sur son Instagram n’est pas une envoyée de Satan ou une écervelée : elle est dans l’air du temps, c’est tout…

Et vous, quel est votre rapport au selfie ? Vous êtes du genre à en faire un tous les trente-six du mois ou à en poster quatre par heure ?


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Les Commentaires

35
Avatar de Clara Bellavoir
5 février 2014 à 09h02
Clara Bellavoir
Bon alors, ça commence à m'agacer ces histoires. On recherche tous une certaine reconnaissance de la part des autres. C'est tout. Sincèrement, je sais pas si je préfère avoir affaire à un meuf qui 10 selfies/jour, ou une qui est incapable de tenir une conversation sur autre chose que sa petite personne.

Alors, j'ai pas de jugement bien/mal sur le sujet. Je prends de selfies quand je me sens confiante et bien dans ma peau, et avoir un petit compliment, ça fait du bien
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