Il y a un bout de temps maintenant, je visitais le musée nordique à Stockholm (allez y faire un tour si vous avez l’occasion) et je suis tombée sur un mot que je ne connaissais pas, « Sami ». Apparemment il s’agissait d’un peuple autochtone dont j’ignorais totalement l’existence. Les Indiens d’Amérique, je visualise, les Aborigènes d’Australie, pareil. Mais les Samis de Laponie je n’en avais jamais entendu parler ! Alors j’ai continué à lire.
Le peuple Sami est le premier à avoir occupé le nord de la Suède mais aussi de la Norvège, de la Finlande et une partie de la Russie, bref les terres vierges et glacées de Laponie (Lappland). Les Samis sont d’ailleurs également appelés « les Lapons » mais ce n’est pas très aimable car l’une des traductions possible pour « lapp » est « haillon/ guenille/bout de chiffon ». Du coup autant continuer à appeler les Samis par le nom qu’ils se donnent…
À l’origine les Samis sont des nomades vivant de la chasse du renne. Leur culture est incroyablement riche tant du point de vue de l’artisanat, de la musique ou des traditions et rituels (légendes, constellations, sacrifices, chamanisme). Comme pour beaucoup de peuples indigènes jugés « primitifs » les gouvernements des « civilisations » n’ont pas toujours été tendres avec les Samis. Ces derniers ont dû faire face à différentes vagues d’évangélisation, d’acculturation et il n’a pas toujours été facile de sauvegarder leur identité et leurs intérêts économiques.
Voilà pour la présentation succinte et légèrement encyclopédique. Depuis j’ai eu la chance de faire un petit tour en Laponie et ce séjour a été l’occasion de rencontrer des Samis (ou plutôt des descendants des Samis car, soyons honnêtes, plus personne n’est nomade de nos jours). Pour de vrai. Un couple d’éleveurs de rennes, plus particulièrement, m’a permis d’en apprendre un peu plus.
Le folklore et l’artisanat des Samis
Il est difficile de faire le tour de toutes les subtilités de la culture samie. De plus le mode de vie nomade en a laissé très peu de traces physiques. Les différentes tribus s’étant éparpillées dans toute la Laponie, elles ont chacune développé des cultures et langages différents. Néanmoins on peut s’accorder pour dire que les Samis sont avant tout des éleveurs de rennes
(un Sami qui n’a pas de renne c’est un peu comme une fille qui n’a pas de shampooing, voyez ?). Leur survie dépendait en grande partie de cet animal et de tout ce qu’il pouvait leur offrir : viande, cuir, bois etc. Un Sami devait savoir s’orienter dans la nature, chasser, pêcher mais aussi fabriquer les objets de la vie quotidienne avec le peu de matériau à sa disposition
L’artisanat sami est probablement ce que j’ai préféré. Les objets sont fonctionnels, solides mais une grande place est accordé à leur beauté. Ce que vous ne pouvez pas louper :
- Les bols : traditionnellement taillés en bois de bouleau. Leurs bords sont très hauts pour garder la soupe au chaud plus longtemps. Il y en a de toutes les tailles, les plus petits étant davantage utilisés comme cuillères ou tasses que comme bols.
- Les couteaux en bois/os : Il y en a de différentes sortes selon l’usage : couteau de marche, couteau à découper le saumon, etc.
- Les bijoux tressés en argent. L’argent était apprécié par les Samis car c’est un métal léger donc facile à transporter.
Les Samis sont également remarqués pour leurs costumes bariolés. Bien que dits « traditionnels », ces costumes sont récents : les Samis ont commencé à les confectionner lorsqu’ils ont eu accès aux villes où ils pouvaient se procurer du tissu de couleurs vives. Auparavant c’était plutôt peaux de rennes, peaux de rennes et peaux de rennes. Les costumes varient énormément d’une région à une autre. C’est pourquoi on est capable de deviner la région d’origine d’un Sami en observant son costume… et même un peu plus à condition de savoir déchiffrer les codes. Ainsi, selon la manière dont les lacets, jambières ou galons sont tressés, tissés, colorés ou décorés on peut déduire le statuts de leurs propriétaires (par exemple marié ou non, chasseur, chamane etc.).
Allez, encore quelques petits trucs que j’ai appris chez les Samis juste pour le plaisir :
- Les Samis ne découpent pas l’année en quatre saisons mais en huit, suivant le cycle de vie des rennes (reproduction, naissances, etc.) ; quand j’étais en Laponie c’était « le printemps hivernal ».
- L’ours est un peu le Voldemort des Samis. Dans les légendes il n’est jamais désigné par son nom mais par celui d’« Ancien ».
- On ne demande pas à un Sami combien il a de rennes dans son troupeau : ça revient à lui demander le montant affiché sur son compte en banque !
- Si les Samis ont désormais accès à toutes les technologies modernes, les éleveurs continuent d’attraper les rennes au lasso. Même domestiqués, les rennes restent sauvages et si, avec patience, ils viennent vous manger dans la main, ils ne se laissent pas attraper facilement pour autant !
Les Samis de nos jours
Bien sûr, tout cela a évolué avec le temps et aujourd’hui la plupart des descendants des Samis vivent comme vous et moi. Le nomadisme n’existe plus et les éleveurs surveillent les troupeaux depuis leur motoneige. Pendant l’été les troupeaux migrent mais en général, seuls quelques hommes suffisent à assurer la transhumance et le reste de la famille est complètement sédentaire. Ça n’est pas plus compliqué que de conduire nos vaches dans les pâturages alpins.
Bref même en Laponie on a le téléphone, la télé et les Samis qui revêtent les costumes traditionnels le font surtout pour faire plaisir aux touristes. La transmission du savoir artisanal continue mais la plupart des objets fabriqués sont destinés à la vente comme souvenirs et non à être utilisés dans la vie quotidienne.
Pourtant je ne pense pas que l’héritage sami soit voué à disparaître. Les Samis que j’ai rencontrés faisaient partie de ceux qui cultivent leurs traditions et cherchent à les faire connaître au grand public. Pendant certaines périodes les Samis se sont vu interdire de parler leur langue, de chanter leurs chants ou de pratiquer leur religion. À l’heure actuelle ils sont fiers de pouvoir revendiquer leurs origines et de ne plus avoir à se cacher ou à choisir entre deux cultures.
Je dois dire que j’ai été impressionné par la manière dont les Samis sont parvenus à faire entendre leurs revendications. Ils sont très peu, moins de 20 000 individus en Suède, mais couvrent un territoire immense à travers quatre pays. Selon les régions, les Samis parlent des dialectes complètement différents ; pourtant ils ont reçu à unir leurs forces au-delà des frontières (qui leur ont été imposées) pour défendre leurs droits et leurs terres. Cette alliance me laisse admirative (je ne connais pas d’autre exemple) et je trouve qu’elle s’est faite avec beaucoup d’intelligence et relativement sans violence ; il n’y a jamais eu de génocide sami par exemple. Aujourd’hui les Samis ont leurs parlements, leur drapeau, leurs musées, leurs centres culturels. Ils semblent avoir davantage les moyens de préserver leur héritage que par le passé. Go Samis, go !
Alors ? Ça y est, c’est décidé ? Tu pars élever des rennes en Laponie ?
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