En pleine préparation de vos dossiers sur Parcoursup, vous posez sûrement un tas de questions sur votre avenir et sur la vie après le lycée. C’est normal.
Sachez qu’il y a eu quelques changements dans l’enseignement supérieur suite à une réforme qui fait couler pas mal d’encre.
Proposé au conseil des ministres le mercredi 7 mars dernier, le projet de loi ORE du ministre de l’enseignement supérieur a été promulgué le lendemain, par le président Emmanuel Macron.
Il s’agit de la loi relative à l’orientation et la réussite des étudiants (ORE). Elle est la suite logique de la réforme du bac 2021 et de l’arrivée de Parcoursup cette année.
Dans ce texte, une des propositions a fait beaucoup parler d’elle : celle qui réforme l’accès à l’université.
Dans une tribune publiée dans Le Monde, trois sociologues s’inquiètent de cette réforme tandis que plusieurs associations étudiantes s’y opposent catégoriquement.
Pour ses détracteurs, la loi entretiendrait les inégalités dans les filières de l’enseignement supérieure entre les filles et les garçons, et favoriserait aussi les discriminations à la sélection.
Avant d’entrer dans de plus amples explications, laissez-moi d’abord vous remettre dans le contexte.
Rentrée 2017, APB… le bazar de l’an dernier
Rappelez-vous, l’année dernière en juillet 2017, 87 000 bacheliers et étudiants n’ont obtenu aucune réponse à leur demande sur Admission Post-Bac. Un « un énorme gâchis » annonçait Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur.
En cause ? Le nombre important de candidats dans des filières très demandées et la restriction de places dans les universités suite à une baisse des aides financières de la part de l’État.
Résultat, certains lycéens post-bac et étudiants en réorientation n’ont eu aucune nouvelle d’établissement du supérieur.
Pour parer à ce problème de places, 92 facultés ont eu recours au tirage au sort, refusant l’accès en licence à environ 10 000 candidats.
C’était un sacré zbeul, si je puis me permettre.
L’accès à l’université remanié par l’État
Le gouvernement a donc pris des mesures : il ferme APB, remplacé par Parcoursup et engage un projet de loi sous la tutelle de Frédérique Vidal.
Dans ce texte, il est question de l’accès à l’université, puisque c’est ce qui a posé le plus problème à l’été 2017 (et d’autres années précédentes).
Désormais, la sélection dans les filières dites sous tension (comprenez qui sont demandées par beaucoup de candidats) sera propre à chaque établissement.
Les directeurs et présidents des facultés devront eux-même choisir les candidats qui souhaitent intégrer leur formation, tandis qu’auparavant c’était le recteur qui validait les candidatures dans les universités publiques.
La sélection sera influencée par la case des « pré-requis » ou « attendus » que doivent remplir les postulants sur Parcoursup : chacun et chacune jugera ses propres connaissances et ses propres capacités.
Ces mêmes pré-requis devront être validés par les directeurs des lycées dans le cas des bacheliers.
La ministre de l’enseignement supérieur a aussi financé 19 000 places supplémentaires contre les 22 000 promises au début, pour s’assurer qu’un maximum de candidats ait une perspective dans le supérieur à la rentrée 2018.
Si tu veux en savoir plus sur la loi ORE dans son intégralité je te recommande l’article du site L’Étudiant.
Tu peux aussi te tourner vers le site du gouvernement mais accroche-toi bien, c’est compliqué.
Je te conseille aussi des ressources comme Le Monde pour des explications complètes. La chaîne Fil d’Actu est assez claire aussi sur le sujet aussi.
Une réforme qui perpétue les inégalités sociales ?
Cette réforme suscite une grande indignation auprès de quelques acteurs de la vie étudiante, dont des associations et fédérations étudiants.
Le mardi 13 mars, l’UNEF a appelé à la mobilisation les 15 et 22 mars pour contester la loi.
Selon le syndicat, elle favorise les discriminations à la sélection vis à vis de la position sociale du candidat, de « ses origines supposées », de son genre ainsi que de sa situation financière.
En bref, les plus précaires, les filles et les personnes qui ont déjà été victimes de discriminations auront plus de difficultés à intégrer la filière de leur choix, explique l’UNEF dans un communiqué.
Comment ? À cause de la sélection plus renforcée et arbitraire puisqu’elle appartient aux chefs d’établissement du supérieur.
Une organisation administrative titanesque à prévoir
Le 2 mars dernier, avant que la loi ne soit promulguée, la FAGE, Fédération des Associations Générales Étudiants, a partagé une lettre à Frédérique Vidal, co-signée par d’autres collectif d’étudiants et de lycéens.
À lire aussi : La réforme du bac : quels changements pour les lycéens ?
Parmi les différents reproches faits au texte, il y a la charge de travail immense que constituent les nouvelles modalités d’inscription et de sélection via Parcoursup et la crainte des fédé et des asso de ne pas avoir suffisamment préparé les universités.
Sur la plate-forme, il est possible de choisir non pas 28 vœux comme avant, mais seulement 10 vœux avec 20 sous-vœux maximum.
Pour la rentrée 2018, l’enseignement supérieur attend 17 000 nouveaux étudiants.
Si on estime que chaque candidat envoie 10 demandes et 20 sous-vœux, cela fait des milliers et des milliers de candidatures, près de 100 000 vœux à traiter juste pour les élèves de Terminales.
C’est autant de dossiers à gérer, en très peu de temps, pour les secrétariats des universités, estime la FAGE dans sa lettre.
Pour lire la lettre de la FAGE à la ministre, clique ici.
Les inégalités filles-garçons renforcées par la réforme de l’accès à l’université ?
Les pré-requis seraient aussi source de déséquilibre, en particulier entre les filles et les garçons, ont déclaré trois sociologues dans un article du Monde en début de mois.
Marianne Blanchard, qui a enquêté sur les femmes dans les prépa scientifiques, Fanny Bugeja-Bloch maîtresse de conférences à l’université de Paris-Nanterre, et Marie-Paule Couto, chercheuse et responsable des admissions par équivalence en licence à Paris 8, ont signé cette tribune.
Selon elles, ce sont d’abord les pré-requis sur Parcoursup qui posent problème. Elles ont accepté d’étayer leurs propos en répondant à mes questions par mail :
« Dans la tribune du Monde, nous parlons d’auto-censure, on désigne en réalité une censure socialement construite.
Les filles ne se projettent pas dans certaines formations, parce que depuis leur plus tendre enfance on ne les incite pas à s’y projeter. »
Elles font référence aux filières exigeantes, comme les prépas, les orientations dans le secteur techniques ou scientifiques par exemple, moins fréquentées par les filles.
Les chercheuses ont aussi constaté que les filles ont plus tendance à éviter les IUT et les BTS, soient des formations plus sélectives, et se tournent donc vers l’université.
Selon elles, soit les filles ne subissent pas autant le « modèle unique d’excellence » imposé aux garçons (qui sont poussés dans les écoles d’ingénieur par exemple) et aspirent à moins de prestige.
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Soit elles se tournent vers des études qui débouchent sur un « métier utile » ou qui leur permettent de profiter de leur vie de famille. Autrement dit des métiers qui leur permettent d’endosser le rôle que la société leur assigne.
Notez bien que ce n’est une généralisation des femmes ! Il s’agit d’études qui permettent d’établir un constat sur certains aspects de la société. C’est de la sociologie, de la recherche quoi.
Cette auto-censure, donc, soulève un problème par rapport aux pré-requis. D’office, les « attendus » complétés par les candidates sur Parcoursup ne refléteront pas leurs réelles capacités et connaissances.
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Les co-signataires de la tribune du Monde s’appuient sur des études faites sur les femmes et la vision qu’elles ont d’elles-même.
En général, les femmes ont tendance à se sous-estimer alors qu’elles possèdent réellement des qualités et des capacités exigées. Cela commence dès l’âge de 6 ans affirme le magazine anglophone Science.
Par conséquent, elles ont tendance à se mettre des limites dans leur carrière ou leurs études.
Les trois sociologues précisent :
« Avant même de tenter un concours ou l’entrée dans une filière sélective, les filles renoncent à candidater en se disant « ce n’est pas pour moi », « je n’ai pas le niveau », « je n’y arriverai pas ». »
Une mesure qu’on pourra évaluer l’an prochain
Auparavant, les pré-requis se traduisaient par une évaluation générale des notes, du bulletin et du contrôle continu.
S’ils permettent de mettre en avant des aspects moins quantifiables que les notes, les nouveaux systèmes pourraient aussi perpétuer certaines inégalités entre les filles et les garçons.
Évidemment, les trois sociologues que j’ai interrogé assurent que leur propos est une hypothèse.
« Il est difficile à l’heure actuelle de savoir précisément quels effets va produire la loi sur la répartition des filles et des garçons dans l’enseignement supérieur.
Mais ce qui est certain, c’est qu’elle va les affecter différemment. »
Tout le monde pourra en juger, et les candidat·es les premier·es, dès la rentrée prochaine.
Que pensez-vous de cette loi ? Bonne ou mauvaise idée d’après vous ?
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Les Commentaires
j'ai la chance d'étudier en Allemagne et c'est teeeeeellement plus détendu du slip... bon, certes il y a une sélection par rapport aux notes du bac, mais si tu échoues, il y a toujours la possibilité de réessayer au semestre d'après (la note se "bonifie" avec le temps, il faut attendre en fonction des points qu'il y a à rattraper (le temps d'attente (wartesemester) ça peut être de 1 à 6 semestres ^^=> dans ce cas là autant faire autre chose ^^). Les âges des étudiants sont également très mélangés : dans ma promo je côtoie plusieurs mamans (dont les emplois du temps sont aménagés pour correspondre avec leur vie de famille) ainsi que d'autres personnes qui suivent cette licence "berufsbegleitend" (en exerçant un métier à côté). Y a pleins de gens dans ma promo qui ont 25/30/40 ans... tout en étant en première année comme moi... c'est vraiment admis de chercher sa voie, le fait d'abandonner en cours de route (pour choisir un autre cursus) n'est pas vu en terme d'échec ! ld'ailleurs l'année se découpant en semestre, on peut commencer soit début octobre soit début avril ce qui laisse beaucoup de flexibilité et permet facilement de rebondir quand on a pas trouvé sa voie dès le premier/deuxième/troisième coup
En Allemagne c'est aussi possible de travailler à côté de ses études tout en réussissant à peut près à suivre les cours (je dis pas que c'est pas galère, mais la compatibilité études/petit job se fait plus facilement qu'en France j'ai l'impression...).