— Article initialement publié le 4 juin 2014
Si je devais choisir un mot pour qualifier ma première recherche d’emploi, je dirais sans hésiter : « improvisée ». À l’époque déjà, j’avais l’impression de tâtonner, d’envoyer des bouteilles à la mer plutôt que des candidatures, et d’attendre des réponses comme une femme de marin scrute l’horizon, l’oeil humide et le coeur gros.
Un jour, je suis passée de l’autre côté du miroir, du côté de celle qui reçoit les « bouteilles à la mer ». Et conformément au dicton de la paille et de la poutre, mes erreurs passées me sont apparues très clairement.
Si je pouvais parler à mon moi en recherche d’emploi à la sortie des études, voici les six choses que je lui dirais de ne pas faire…
« Ne pas avoir d’expérience professionnelle » (alors qu’en fait, si)
Je n’avais jamais travaillé de ma vie. Ni distribué des journaux, ni fait la serveuse ni la vendeuse, tout juste un peu de babysitting dans ma prime jeunesse. Question expérience professionnelle, je totalisais un indivisible zéro pointé.
Étant honnête et intègre, j’avais carrément viré la mention « expérience professionnelle » de mon CV, lui préférant le plus honnête intitulé « Stages », dont je ne manquais pas.
Chaque fois que je postulais en ligne sur les job boards d’entreprises, je cochais inlassablement la case « moins d’un an d’expérience », que je soupçonne de déclencher l’envoi d’une réponse automatique négative, à base de « malgré tout l’intérêt que présente votre profil » (reçue en moyenne quinze minute après l’envoi de ma candidature — c’est à peine vexant).
Le pire dans cette histoire, c’est que j’avais bel et bien plus d’un an d’expérience ! Cumuler deux ans tous stages confondus, c’est de l’expérience.
Si c’était à refaire, je laisserais l’intitulé « expérience professionnelle » et je listerais les postes occupés et les fonctions exercées, sans préciser qu’il s’agissait de stages. De toute façon, la courte durée trahit direct qu’il ne s’agit pas d’un CDI, et si j’arrive en entretien, il sera toujours temps de préciser la nature de ces expériences.
Mais ce n’est pas à moi de les dévaloriser par défaut, parce que ce n’étaient « que » des stages.
Dans l’absolu, l’expérience professionnelle, qu’est-ce donc ? Ce sont des compétences acquises dans l’exercice d’activités non scolaires. En gros. Alors certes, je n’avais jamais été salariée, mais en dehors des salles de classes (et même à l’intérieur, parfois), j’avais tout de même acquis quelques compétences.
Prends exemple sur Sharpay, qui sait ce qu’elle veut dans la vie.
Au lieu d’aller étaler dans une rubrique « hobbies » des « activités » auxquelles personne ne s’intéresse (quand tu reçois des dizaines de CV, tu les lis en diagonale, désolée), j’aurais dû lister les compétences que j’ai acquises grâce à ces expériences.
Les anglophones disent « skills », et c’est bien plus intéressant pour un recruteur d’isoler ces savoirs et savoir-faire, plutôt que d’apprendre que je suis efficace en ramassage de fruits et légumes.
Alors au lieu d’écrire que j’ai fait du théâtre, que j’ai été bénévole pour des associations, que j’aime les sports de montagne, j’aurais dû développer les compétences correspondantes :
- Aisance à la prise de parole en public
- Rédaction de rapports de synthèse (ça va, c’est de la dissertation utile)
- Gestion budgétaire (si comme moi, tu as été bonne poire et t’as fini trésorière d’une asso/d’un projet)
- Management d’une équipe
- Coordination de travaux collaboratif (une future chef de projet ça, ma fille)
- Esprit d’initiative (si si, quand tu montes une paroi en tête, tu peux pas attendre qu’on te dise où mettre les mains et les pieds)
Voilà, ma chère Clémence. Ça c’est un CV qui claque. Si c’était à refaire, tu listerais tes compétences plutôt que de te morfondre de ton absence d’expérience professionnelle, qui est tout à fait relative, en fait.
« Ne pas être formée à ce poste » (alors qu’en fait, c’est normal)
Tendre naïveté que celle de l’étudiante fraîchement diplômée, à la recherche de son premier emploi, qui pense qu’il faut être formée à un poste pour pouvoir y postuler ! Comme c’est touchant.
Disons-le une bonne fois pour toutes : toute prise de poste s’accompagne d’une formation. Personne n’arrive dans une boîte un lundi matin à 9 heures, pour se retrouver livré•e à soi-même à 9h05 !
J’ai fait neuf mois de stage dans une entreprise, avant d’y être embauchée en CDI. Et ma prise de poste a commencé par une semaine de formation auprès d’un organisme extérieur.
Le coût de ma formation ne devait pas être loin du coût total de mes neuf mois de stage pour l’entreprise… Mais j’étais désormais salariée, et vu ce que je coûtais désormais par rapport à un stagaire, on a pris la peine de me former !
Je l’ignorais à l’époque, mais mon expérience dans cette entreprise m’a permis d’apprendre une leçon essentielle : lors du recrutement pour un job de bureau (où l’on ne « produit » rien de concret de ses mains), le savoir représente 15% de ce qui intéresse le recruteur, le savoir-faire 5% , et le « savoir être » tout le reste, soit 80%.
On peut apprendre des compétences pratiques en formation : c’est possible et c’est même prévu pour ! En revanche, apprendre les codes sociaux du mondre professionnel, c’est plus compliqué.
On préfèrera souvent recruter une personne qui a un excellent relationnel mais qu’il faut former, plutôt que celui qui sait faire mais « ne sait pas s’intégrer ». Oui, c’est tout à fait subjectif, et c’est aussi la raison pour laquelle il y a tant de discrimination dans le monde professionnel…
Si je pouvais revenir en arrière, je complexerais beaucoup moins sur mon incompétence pratique. Au pire, j’apprendrais sur le tas ; au pire, on me dira « non » en entretien, mais au moins, je présenterais davantage de candidatures, je jouerais davantage sur mon savoir-être, quitte à perdre face à quelqu’un de mieux qualifié…
Au moins, j’essaierais.
Tous les stages d’intégration n’impliquent pas le port d’un chapeau ridicule, rassure-toi.
Avoir un CV unique, et manquer d’inspiration pour les lettres de motivation
Je ne compte plus les ateliers CV/lettre de motivation auxquels j’ai participé, ni les relectures, les commentaires et les conseils sollicités auprès de tiers divers et variés, dans le but d’arriver au CV parfait, à la structure idéale de lettre de motivation.
Une fois passée de l’autre côté du miroir, j’ai ri jaune. Je reconnaissais les écoles au premier coup d’oeil : tou•te•s les étudiant•e•s de la même école présentaient les mêmes CV ! Même agencement, mêmes contenus, à quelques hobbies près.
Je ne lisais les lettres de motivation que si j’avais déjà pré-sélectionné le CV. Du coup, une lettre parfaite accompagnant un CV bâclé ne sera même pas parcourue du regard.
Avec le recul, je me dis que le CV parfait, c’est celui qui va retenir l’attention du recruteur. Je dois donner à cette personne l’envie d’aller lire ma lettre de motivation ! Je ne l’avais pas compris de cette façon à l’époque…
Depuis, j’ai repensé mon CV non pas comme un résumé de mon profil, mais comme une carte de visite améliorée. Et si ma lettre de motivation reste plus ou moins constante dans sa structure selon les postes que je vise, le curriculum vitae change radicalement selon mes candidatures.
Je le fais tenir sur une page aérée, en mettant les informations essentielles dans la première moitié de la feuille. J’essaie d’être originale, parce que ça correspond à ma personnalité, et que j’avais tendance à retenir les CV qui détonaient (dans le fond et dans la forme) davantage que les « clones » d’écoles.
Dans la lettre de motivation, j’ai abandonné ces codes formels auxquels je n’ai simplement jamais accroché. J’essaie de capter l’attention de mon lecteur dès le premier paragraphe, alors soit je vais droit au but en mettant en avant LA chose qui fait de moi la candidate idéale pour ce poste et/ou cette entreprise, soit je me raccroche à une anecdote prise dans l’actualité.
En clair, je fais tout pour démontrer dès les premières lignes que cette lettre n’est pas un modèle-type qui peut fonctionner sur n’importe quelle candidature en changeant le nom de l’entreprise.
Je démontre ma capacité de synthèse en allant droit à l’essentiel, et je soigne ma qualité de rédaction en présentant une lettre sans faute de syntaxe, de grammaire ni d’orthographe.
Du coup, je passe autant de temps à la rédiger qu’à la passer au crible d’une relecture sans merci. Parce que l’orthographe est un facteur discriminant, j’investis le temps nécessaire pour atteindre la perfection dans ce domaine.
Voici mon conseil, chère Clémence : arrête d’essayer de coller aux codes ultra-normés du CV et de la lettre de motivation ! Au pire tu te plantes, au mieux, tu ressembles à l’identique aux centaines d’autres candidatures.
Peut-être que si tu tombes sur un recruteur psycho-rigide, il sera froissé par les libertés que tu as prises dans ta rédaction. Et alors ? Tu ne seras probablement pas à l’aise pour travailler avec cette personne de toute façon.
« Ne pas harceler les recruteurs » (alors qu’en fait, il faut)
Je sors d’un entretien, plutôt satisfaite de ma prestation. Et là, j’attends qu’on me rappelle pour me donner une réponse, ou me convoquer pour la suite du processus de recrutement.
J’attends.
Je peux attendre longtemps, car il se trouve que je suis extrêmement patiente. Et puis, si je les intéresse, ils vont me rappeler, non ? Et s’ils ne me contactent pas, c’est simplement que ma candidature ne les intéresse pas, voilà tout. C’est dommage, mais que puis-je y faire ?
Tu veux le job Clémence Bodoc ? Tu le veux vraiment ? Alors il faut le faire savoir. Et il ne faut pas hésiter à insister auprès du recruteur, histoire de bien mettre en avant ta candidature par rapport à toutes les autres. Voici un plan de harcèlement marketing en trois étapes :
- Fin de l’entretien : je demande quand est-ce que je peux espérer une réponse (dans la semaine ? Dans le mois ?)
- Juste après l’entretien : le soir même ou le lendemain matin, j’envoie un email. Pour raconter quoi ? Que j’ai apprécié notre entrevue, ce que j’ai retenu du job et pourquoi il m’intéresse. Pas besoin d’écrire un roman, une dizaine de lignes suffisent : de quoi démontrer mon esprit de synthèse et d’initiative, ainsi que mon intérêt pour le poste.
- Trois à cinq jours plus tard vient le temps du coup de fil. Avec un téléphone. Oui absolument. J’APPELLE. Car je suis la candidate idéale ! Au cas où vous m’auriez oubliée, moi je ne vous oublie pas alors je viens aux nouvelles, « pour savoir si vous aviez pris une décision au sujet du poste ? » et réaffirmer « mon intérêt pour votre entreprise et pour ce poste en particulier ».
Je me disais que c’était impoli, intrusif, agressif. Mais en fait, c’est la norme, ça fait partie intégrante du processus de sélection naturelle. Sur X CV reçus, je convoque Y candidats en entretien, et Z d’entre eux vont m’envoyer des emails et me passer des coups de fil pour venir aux nouvelles. Ces Z constituent souvent ma short-list et la future recrue figure souvent parmi eux.
Depuis, quand un•e ami•e me demande « j’ai pas de nouvelles, tu crois que je devrais appeler ? », je réponds sans hésiter.
Avec cette même ferveur
Ne pas demander d’aide (sérieusement, meuf ?)
Avant j’avais des principes, et même si j’avais besoin d’un travail, je comptais bien le trouver sans piston. De toute manière, qui pouvait bien me pistonner, hein ? Je n’avais pas de relations, pas de « réseau » comme on dit.
Bon, bien sûr, j’avais gardé quelques contacts de mes stages précédents, j’avais des ami•e•s également en recherche d’emploi, certain•e•s déjà placé•e•s.
J’avais aussi accès à l’annuaire des Anciens de mon école. J’aurais éventuellement pu demander des lettres de recommandation à certains de mes professeurs d’université, mais bon, j’aime pas demander, et n’est-ce pas un peu présomptueux ? Je comptais quand même me débrouiller toute seule.
De l’autre côté du miroir, il a bien fallu me rendre à l’évidence. Quand on cherche à pourvoir un poste, on utilise tous les canaux de recherche à sa disposition. Bien sûr qu’on met une annonce en ligne chez Pôle Emploi, on ouvre le poste sur Internet, mais on commence d’abord à dire à tout son réseau qu’on cherche quelqu’un pour cette place.
Un peu comme quand on lâche son appartement à Paris : on l’annonce sur Facebook, sur Twitter, on commence par le proposer à son propre cercle d’amis et de connaissances, pour s’éviter si possible de faire passer 12 657 visites à des inconnus.
Pour la recherche d’emploi, c’est pareil. Avant de se résoudre à examiner des dizaines voire des centaines de candidatures d’inconnu•e•s drainées par Internet et les réseaux sociaux, on commence par sonder son propre réseau.
Si c’était à refaire, je commencerais par là également.
Après tout, quand j’ai cherché à me loger sur Paris, j’ai saoulé l’intégralité de mon carnet d’adresse et de mes contacts Facebook et Twitter, en leur demandant de bien vouloir faire tourner l’info, le type d’appartement que je cherchais, la fourchette surface/prix.
Je ne sais pas pourquoi j’avais honte de faire la même chose avec ma recherche d’emploi : j’aurais dû mettre à jour mon profil LinkedIn, voire me faire un CV en ligne, et le faire tourner à l’intégralité de mon réseau.
Aujourd’hui encore, ça me serre le coeur d’apprendre qu’un•e de mes ami•e•s cherche du travail depuis un certain temps, sans que je sois au courant, alors que j’ai justement des contacts dans les secteurs d’activité concernés !
Activer son réseau, ce n’est pas forcément compter sur quelqu’un d’autre pour me trouver un job. C’est potentiellement pouvoir compter sur quelqu’un pour me dire qu’un poste se libère avant qu’une annonce officielle ne soit postée.
Et même si mes contacts ne sont « que stagiaires » ou « que en CDD », ils sont dans la place : ils peuvent me parler de l’entreprise, de ses valeurs, de l’environnement de travail, des informations précieuses pour peaufiner une candidature ou préparer un entretien.
J’ai déjà contacté des inconnu•e•s via les réseaux sociaux, parce que je voyais dans leur profil qu’ils travaillaient pour une entreprise que je convoitais. Les gens ne répondent pas toujours, mais qui ne tente rien n’a rien !
Trouver du travail par les temps qui courent, ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile. Si c’était à refaire, je ravalerais mes principes et ma fierté. Vouloir se débrouiller seule sans le coup de pouce de personne n’a rien d’héroïque. C’était très naïf de ma part, voire un peu prétentieux.
« Ne pas avoir confiance en moi » (alors que c’est LA BASE)
J’aurais pu commencer par là. Si j’avais économisé toute l’énergie que j’ai gaspillée à me convaincre que si, je devrais postuler à ce job, mais non, je n’en ai pas les compétences, mais si, je vais apprendre, mais non, bof, j’en sais rien...
Si j’avais plutôt investi cette énergie directement dans ma recherche d’emploi, j’aurais été infiniment plus efficace.
Après des mois de campagne au sein de l’entreprise qui m’accueillait en stage, on a fini par me faire une proposition qui m’intéressait vraiment : un vrai poste, un vrai contrat, un vrai salaire. Et là, normalement, j’aurais dû répondre « je signe où ? ». Mais ma réaction a été tout à fait différente :
— Et la conduite de projets, ça vous intéresse ? — Euh… oui ! Mais… J’en ai jamais fait ! »
Mon moi de l’époque mérite effectivement une bonne paire de claques
Clémence Bodoc, comment te dire ? Voilà NEUF mois que tu es en stage dans cette entreprise, que tu travailles en direct avec cette personne, qui te propose LE poste que tu n’espérais plus. Et tu réponds « j’en ai jamais fait » ?
Tu crois donc que l’entreprise est une oeuvre de charité, que ton tuteur de stage a eu pitié de toi ? Qu’il s’est dit « ça fait six mois qu’elle me gonfle pour avoir un job dans notre entreprise, allez, je vais lui filer un CDI pour qu’elle me lâche les basques » ?
Je ne vais pas te mentir : j’ai encore du mal à avoir confiance en moi dans le monde professionnel, tant j’ai toujours le sentiment d’être en train d’apprendre. Mais ce n’est pas incompatible : on peut être en apprentissage permanent tout en sachant ce que l’on vaut.
Pour l’anecdote, mon tuteur de stage a souri à ma réponse. Il a ensuite pris mon CV, et démontré point par point en quoi mes expériences passées démontraient que j’avais bien les compétences de base pour le poste, que je les avais même mises sur mon CV sans le savoir (cf. le point n°3)
Je ne remercierai jamais assez ce tuteur de stage, sans qui je serais probablement toujours à la recherche d’un emploi, m’excusant en permanence d’être incompétente.
Et toi, quelles sont les erreurs et les leçons que tu as retenues de tes recherches d’emploi ?
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