Nous sommes en 2014. Le préservatif, ou capote pour les intimes, commence à être tendance, et on cherche même à révolutionner le concept, toujours plus loin vers le futur. Il faut dire qu’on a mis le temps avant d’en arriver au couvre-kiki en latex qui permet d’éviter à la fois les maladies et les bébés.
Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé de se faire plaisir sans en subir les conséquences depuis longtemps. Certain-e-s avancent que l’on retrouverait les premières traces de l’utilisation d’une sorte de préservatif sur des peintures rupestres datant d’au moins 15 000 ans.
Oui, toi, là, tu voulais faire taktak sans que ça se remarque, hein ?
Rien ne prouve à ce jour que l’épaisseur relevée sur l’appareil du monsieur ne soit pas qu’une décoration virile, ou une rature de l’artiste qui voulait en fait dessiner une madame. Mais avouez que l’on est en droit de se demander si le but n’était pas de représenter un mode de contraception…
À quel moment et comment a-t-on essayé de se protéger pendant l’acte sexuel ? Voici un bref retour sur la capote dans l’Histoire.
L’Antiquité, ou comment faire avec les moyens du porc
Première réponse à la question « à quel moment » : super tôt. Je ne sais pas au juste ce qui a fait « tilt » dans la tête des gens, si ce sont les maladies vénériennes comme dans la version officielle, ou si c’est plutôt l’envie de faire taktak sans que l’on retrouve des traces matérielles de son passage. Comprendre : sans faire un bébé.
Pour les besoins des cours d’histoire du CM2, on garde généralement la première version. Ainsi, environ 3000 ans avec J.-C., chez les Égyptiens, tout individu mâle souhaitant se protéger et protéger en retour des maladies sexuellement transmissibles s’enfilait au préalable des boyaux de mouton, ou des vessies de porc.
Une technique qui a continué à être largement utilisée par la suite, comme chez les Romains, que ce soit avec des vessies de porc, de chèvre, ou des intestins divers et séchés. De quoi se mettre en appétit, n’est-ce pas.
Coucou tu veux voir ma pochette ?
On aurait bien retrouvé chez les Égyptiens des preuves de l’utilisation d’un « fourreau » (ou pochette à fourrer ahaha… non ?) du côté vegan de la force (quels précurseurs), en lin par exemple. Mais ces cache-sexes retrouvés sur des fresques ou des momies auraient plutôt eu une valeur décorative et spirituelle. En tant que gros étui, la chose protégeait tout au plus le pénis sacré des agressions de la vie quotidienne.
On continue pendant longtemps à s’arracher des vessies de porc pour un max de sensations. Car ce n’est qu’aux alentours du Xème siècle avant J.-C. que des outils de contraception plus délicats commenceront à faire leur apparition en Asie.
Du fourre-tout à la « redingote » anglaise
En effet, pendant qu’en Occident on ne sait plus trop où mettre son pénis, l’Orient se distingue en mettant au point des techniques plus raffinées. Car si le coup de la vessie est plutôt pratique pour son côté réutilisable, la membrane douteuse ne fait pas le poids face au papier de soie ou au tissu huilé des Chinois. Une chaussette humide, quoi.
Les Japonais, eux, font dans le deux-en-un avec des préservatifs rigides en écailles de tortues, les Kabuta-gata, qui faisaient non seulement office d’armure pour le dragon céleste de monsieur, mais aussi de sex-toy pour madame (ou encore monsieur). C’est un autre style, mais au moins ils étaient certains que si un spermatozoïde réussissait à passer, il était parti pour être un guerrier dans la vie.
Ah, mais ne serrez donc pas les jambes et les fesses comme ça. Après quelques tentatives foireuses pour prendre ses distances avec les entrailles animales, l’Occident finit par arriver à quelque chose au XVIème siècle grâce au chirurgien italien Gabriel Fallopio : cet homme qui n’avait pas, on l’espère, un feveu fur la langue, met au point un « fourreau d’étoffe légère » en soie ou en lin qui n’avait rien à envier aux chaussettes huilées des Chinois.
F’était un homme bien.
Ce nouveau type de socquette pour pénis était fabriqué sur mesure,
et avait pour vocation de repousser le nouveau fléau du siècle, la syphilis. Malheureusement, il s’avéra bien vite assez peu fiable, car pas si étanche que ça. Bien effayé, Fallopio.
Cette découverte décevante marque la rechute, et le retour à l’utilisation, dès le XVIIIème siècle, à une partie animale — et plus précisément le « cæcum » du mouton. Qu’est-ce que le cæcum, me direz-vous, ce mot que je copie-colle sans vergogne faute de connaître mes raccourcis clavier ? Eh bien le cæcum, les enfants, c’est un petit bout du colon. Dans quelle mesure peut-on qualifier ce moyen de contraception de sodomie détournée, je l’ignore.
Voilà, c’est là.
Mais cette question me mettant mal à l’aise car pouvant également être assimilée à une forme tout aussi détournée de zoophilie, nous allons sauter quelques années pour arriver à la fin du XVIIIème siècle où, enfin, des gens civilisés parlent de « redingote anglaise ».
Le cæcum devait poser quelques problèmes existentiels, car on ne peut pas dire qu’il ait fait long feu dans la pharmacie du coin. Fin XVIIIème, on revient à la pochette en tissu dont se délectent les libertins… mais aussi les couples mariés, fatigués de louper leurs « retraits ». Car, détail intéressant, si le but était jusqu’ici d’éviter les maladies vénériennes si répandues, on s’intéresse enfin aux propriétés contraceptives de la redingote.
Ainsi, c’est à cette époque que l’on commence à tremper le préservatif dans des solutions spermicides.
De la capote qui rétrécit au lavage aux Manix Skyn
Il faut cependant attendre le XIXème siècle pour se débarrasser définitivement de l’utilisation de membranes animales. Même si la chose était prétendument réparable, à partir du moment où tu dois recoudre un préservatif, tu peux douter de sa résistance dans le feu de l’action.
Et tout ça, c’est grâce au caoutchouc, dont on a enfin réussi à exploiter les propriétés. Bon, en vrai, on savait déjà comment faire, mais on n’a osé utilisé ça pour couvrir le fier organe génital que vers le milieu du XIXème. Et c’est bête, parce que du coup ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la production de masse du préservatif est devenue possible.
La chose est plus pratique que tout ce qu’on a pu avoir jusqu’ici. Elle serait confortable, et surtout… réutilisable. Oui, vous avez bien lu : on pouvait garder sa capote plusieurs années, à condition de la laver et de bien l’entretenir. Seul bémol : il fallait choisir la taille au-dessus, parce que le caoutchouc pouvait rétrécir au lavage.
Quand soudain, paf ! En 1880 est produit le tout premier préservatif en latex. On ne commencera à le commercialiser qu’à partir des années 1930, surtout aux États-Unis qui mettent en place les premiers distributeurs automatiques dans les années 50. Quant au préservatif lubrifié, il ne verra le jour qu’une dizaine d’années plus tard.
Et le préservatif féminin, dans tout ça ? Comme son homologue masculin, on y aurait pensé déjà dans l’Antiquité… mais l’idée n’a étrangement pas survécu à l’avancée de l’Histoire, donnant l’impression qu’on invente la roue au début du XXème siècle avec sa pénible ré-apparition. C’était peut-être donner trop de liberté et d’initiatives aux femmes…
C’est dire, dans tout ça, si la protection a mis du temps à être efficace et à se démocratiser. Ce n’est pas comme si les MST et notamment le SIDA étaient des menaces réelles sur lesquelles il est important de communiquer… Parce que, vous allez rire, mais vous savez en quelle année il a été permis de faire de la publicité sur le préservatif en France ? En 1987.
On n’est pas si loin des vessies de porc, au fond.
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