Dwam a 33 ans, vit à Nantes, et se présente comme une « artiste queer pluridisciplinaire ». Je la laisse décrire son art, elle le fait mieux que moi :
« J’articule mon travail comme une sorte de poésie visuelle, autour du plaisir de l’incarnation et des identités queer : les relations, les sexualités et les amours fluides, le genre, le rapport au corps…
Questionnant et déconstruisant les stéréotypes et l’idée de norme. »
J’ai découvert Dwam quand mon ami Quentin Zuttion (anciennement Monsieur Q) a participé à sa série de photos Blossom Boys.
Intriguée par la beauté de ce cliché, j’ai voulu en savoir plus sur Dwam et ce projet dédié aux masculinités, à la façon dont elles sont représentées.
L’artiste a eu la gentillesse de répondre à mes questions. Voici donc Blossom Boys !
Blossom Boys de Dwam sublime les masculinités
Dwam a mis plusieurs années à développer l’idée de Blossom Boys, qui s’est d’abord dessinée en creux, en absence, dans son travail principalement dédié à des corps féminins.
« J’ai travaillé longtemps sur des photos (des nus, des portraits, des pin-ups) de femmes.
Je me suis aperçue que je ne photographiais presque jamais d’hommes ; les rares fois où je le faisais, c’était uniquement parmi mon cercle proche d’hommes gays, bisexuels et/ou non-binaires.
Je ne suis pas à l’aise avec la masculinité stéréotypée, alors ces hommes, je les photographiais comme j’avais « appris » à représenter les femmes. »
Comment photographier les hommes… différemment ?
Dwam a posé sur les hommes de Blossom Boys le même œil qu’elle posait sur les femmes se tenant devant son objectif. Sa façon de capturer leur corps, leur essence, est loin d’être anodine.
« Ce qui m’intéresse sur ce projet, c’est de mettre ces hommes dans des situations interdites, ou mal vues : en situation de vulnérabilité, de démonstration d’affection, de soin, de joliesse, de douceur, d’abandon…
Bref, toute situation qu’ils ne considèrent pas comme stéréotypée masculine. »
Les Blossom Boys
s’étirent langoureusement, versent une larme, scintillent grâce aux paillettes sur leur peau nue, s’entourent de fleurs, s’éclaboussent de soleil.
Loin des « postures de pouvoir », les modèles de Dwam incarnent des masculinités n’ayant pas peur d’être vulnérables, sensuelles.
Montrer les hommes, sans en être un
Dwam n’est pas un homme, et elle a pourtant choisi, avec Blossom Boys, de représenter des masculinités. Comment se place-t-elle face à cette dichotomie ?
« En général je me méfie de l’impulsion « je vais bosser sur un sujet qui ne me concerne pas » : c’est quelque chose qui me met toujours mal à l’aise.
Il y a souvent un souci de récupération de la parole des personnes concernées, de fascination et d’exploitation des dominants pour les minorités…
Avec également le risque de mal représenter, de faire des dégâts (ou juste, du mauvais boulot).
Il se posait alors pour moi la question de ma place, de mon regard sur ce sujet.
Je ne peux pas dire qu’il ne me concerne pas totalement : je travaille sur les identités de genre depuis toujours, je parle de non-binarité, et forcément aussi de constructions genrées féminin/masculin.
Mon propre positionnement, personne non-binaire assignée au genre féminin à la naissance, ne me place pas vraiment dans un statut dominant. »
Poser pour Blossom Boys, ça fait quoi ?
J’ai demandé à Quentin Zuttion comment s’est passé son shooting avec Dwam, et ce qu’il a ressenti en voyant les clichés finaux, lui qui n’est pas toujours à l’aise avec son image et son corps.
« On se connaissait un peu avec Dwam, elle m’avait déjà tatoué. Elle m’a proposé de poser pour Blossom Boys, une série qu’elle avait déjà lancée.
Un an et trois tatouages plus tard, je me suis retrouvé devant l’objectif.
Au niveau du tournage… c’était le début de l’été, l’océan était encore TRÈS froid ! Mais je me suis vraiment amusé.
J’ai dû me faire un peu violence pour l’aspect nudité. Cela dit, j’étais moins gêné que prévu. J’ai une relation ambiguë avec mon corps, mes os, et je pense que ça a fait de moi un modèle intéressant pour Dwam.
Quand l’expression de ma maigreur trouve du sens dans une démarche artistique, elle me pose moins de souci, j’arrive mieux à l’assumer. »
« Quand j’ai vu les photos j’ai été surpris… et égoïstement, je me suis dit « Wow, je pose super bien » ! Mais il faut rendre à Dwam ce qui lui appartient. C’est franc, et pudique à la fois.
On sent son regard respectueux et tendre sur les corps qu’elle immortalise. C’est calme, serein, une caresse.
Dwam a tendance à tout adoucir. Et adoucir le corps masculin est loin d’être facile. Je pense que les gens captent vite son intention, et c’est ce qui fait la force de son propos et de ses photos.
Ce qui me marque dans son travail, c’est qu’elle arrive à donner de l’élégance au kitsch. Elle donne toujours une vérité aux artifices utilisés. Ça ne semble jamais « faux », c’est délicat, poétique, un rêve de jolis garçons doux.
Je n’ai eu que des retours positifs. Certains proches étaient surpris que je fasse ça, car 6 mois plus tôt, me mettre en short était impensable !
Quant au reste de la série Blossom Boys… c’est simple : elle me donne envie de tomber amoureux. »
Quentin dans The Boys Club, le podcast sur les masculinités
Qu’est-ce que la virilité ?
Dwam n’ayant pas été élevée comme un homme, elle a voulu recueillir divers avis sur ce qui fait le genre masculin, la virilité. Elle a donc posé à son entourage et son public diverses questions à ce sujet.
Comprendre ce qui a été construit, pour mieux le déconstruire : voici la logique sous-jacente. L’artiste m’a envoyé un échantillon des réponses reçues.
— Pour moi, la masculinité est un moyen de domination que les mecs (gay compris) exercent sur les femmes (ou efféminés) pour assurer leur supériorité.
— La toute première chose qui me vient à l’esprit quand je pense virilité, c’est muscle, musculature, force. C’est pas une association que j’apprécie, j’aimerais la déconstruire… mais elle est là.
— Pleurer en public… Je sais que c’est un conditionnement, mais il est si fort que je ne peux pas ne pas me sentir terriblement gêné et menacé quand je me laisse aller ainsi.
— Je suis fier d’être cultivé et intelligent, et je me sens vulnérable et moins masculin quand je ne le suis pas.
— Je suis allé dans une école de garçons, qui a ruiné toute mon éducation sexuelle, et surtout, toute mon éducation émotionnelle. La virilité est une comme une infection dont on ne peut plus ignorer l’existence.
L’auteur de ce dernier témoignage appuie son propos :
— Il est temps d’apprendre aux jeunes hommes que toutes leurs émotions négatives sont valides, et de leur donner les outils pour les gérer et apprendre l’empathie. Ces émotions ne justifient jamais la violence ou la misogynie.
Permettre aux hommes d’être vulnérables
Vous l’aurez remarqué, ces réponses adressées à Dwam ne sont pas très positives. Il y a pourtant du bon dans la masculinité, tout comme dans la féminité…
L’artiste le sait, et son projet s’inscrit dans une démarche positive. Elle m’explique :
« Être un homme, jusqu’à présent, c’est surtout ne pas être une femme.
Tout ce qu’un homme ne doit pas être ou faire, c’est pleurer, être gracieux, exprimer des émotions vues comme « faibles »… Être démonstratif, tendre et affectueux. Mettre en valeur l’apparence. Douter.
La norme masculine en vigueur rejette ce qui est perçu comme « féminin », encense la « virilité », la force, le courage, la domination, l’agressivité…
La force, c’est aussi ce qui revient systématiquement, en tout premier, lié à la notion de virilité. La force de caractère, mais surtout physique. La violence. La testostérone. Les muscles. Les poils.
La sexualité exacerbée — être toujours excité, séduire et coucher avec beaucoup de femmes, mais en les « possédant ». Il faut dominer, mépriser. Réprimer les émotions ; la seule admise, c’est la colère.
Alors j’ai voulu mettre tout ça en images, explorer la sensualité et la sensibilité masculines, qu’on ne voit pas assez. »
L’artiste ne compte pas quitter de si tôt le sujet des masculinités. Elle me confie cette info alléchante :
« Mon prochain projet, dans la continuité de celui-ci, sera focalisé sur les démonstrations d’affection entre hommes. »
J’ai hâte !
Blossom Boys s’expose !
Venez admirer la beauté de ces Blossom Boys à l’œil nu, le 21 septembre, à Paris.
Tous ces jolis garçons vont être exposés dans le cadre de l’expo collective Archipel du collectif Mu et Manifesto XXI, à la Station Gare des Mines, à Aubervilliers, aux côtés de Marie Rouge et Romy Alizée !
Sinon, une bonne partie de la série est visible sur le Tumblr de Dwam.
Merci à Dwam (et à Quentin) d’avoir répondu à mes questions. Et bravo à ces modèles dont la beauté me subjugue !
À lire aussi : Des hommes en larmes dans un projet photo qui repense la masculinité
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Cela dit, c'est déjà super intéressant comme ça