Publié initialement le 14 avril 2013
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un rapport, disons, conflictuel avec le sommeil. Plus jeune, je faisais des cauchemars chaque nuit, j’ai vécu des épisodes de terreurs nocturnes, puis il y eut les phases d’insomnie au cours de l’adolescence.
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Cependant, ce que j’ai vécu il y a quelques mois était d’une nature très différente, et je n’hésite pas à dire que je ne souhaite à personne de traverser la même chose.
Entre la peur ressentie, l’angoisse omniprésente tout au long de cette phase de paralysie du sommeil, et le temps que je mis à retrouver mon calme après l’avoir vécue, ce fut clairement une expérience éprouvante.
La paralysie du sommeil, kézaco ?
Ce type de sensation fait partie de la liste longue comme le bras des troubles du sommeil, et peut toucher à peu près tout le monde, sans réelle distinction d’âge, de sexe, ou d’état de santé général. La paralysie du sommeil se manifeste donc, comme son nom l’indique, par le fait que la personne se trouve dans une phase d’éveil ou d’endormissement, et subit alors ce qu’on appelle une atonie musculaire, c’est-à-dire une incapacité à effectuer le moindre mouvement.
La personne, parfaitement conscience et respirant normalement, n’a cependant plus de contrôle que sur ses paupières et ses yeux. Cet état peut durer d’une poignée de secondes à plusieurs minutes, et disparaît spontanément.
Mais tout cela, je l’ignorais avant de vivre ma propre paralysie ; je n’avais jamais entendu parler de ce trouble par le passé, et ces renseignements m’auraient très probablement été d’une grande aide pour conserver mon calme tout du long de cet état. Imaginez seulement. Vous vous réveillez au beau milieu de la nuit, tout naturellement, puis vous constatez dans la seconde suivante que votre corps ne répond plus, refuse de vous obéir. C’est à ce moment que l’angoisse se met à monter, que la frayeur s’empare de votre capacité de raisonnement.
À ce moment précis, une seule question me vrillait le cerveau : « Qu’est ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui m’arrive ? ». Anxieuse, paniquée, j’essayais de bander mes muscles, remuer mes jambes, lever mes bras… en vain. Je demeurais allongée sur le dos, parcourant des yeux ma chambre plongée dans le noir, ne pouvant que constater au fur et à mesure que le temps s’écoulait que j’étais littéralement prisonnière de mon propre corps.
Paralysie du sommeil, sensations et hallucinations
Après quelques secondes passées à essayer de reprendre contrôle de mes membres (a posteriori, j’imagine que je devais ressembler à l’héroïne de Kill Bill s’ordonnant : « Bouge le gros orteil !! »), arriva la sensation qui accompagne la majorité des paralysies du sommeil : la suffocation.
Alors que mes muscles respiratoires fonctionnaient parfaitement, j’avais le sentiment qu’une dizaine de mains étaient en train d’appuyer sur ma poitrine, compressant mon thorax et mes poumons, m’empêchant de reprendre correctement mon souffle. Je pouvais entendre ma respiration siffler, et plus je forçais sur ma poitrine pour aspirer plus d’air, plus celle-ci semblait se bloquer et se compresser, comme sous l’effet d’un énorme sac de sable invisible posé sur moi. Vous avez dit « cercle vicieux » ?
Je ne savais plus très bien si je rêvais ou si j’étais parfaitement consciente. J’étouffais, je paniquais, je pouvais voir tout autour de moi, mais il m’était impossible de bouger. J’avais envie d’appeler mon frère dormant dans la chambre à côté de la mienne, pour qu’il puisse venir me secouer, m’aider, faire quelque chose, peu importait, du moment que je ne restais plus toute seule dans cet état. Je fis alors un effort considérable pour ouvrir ma mâchoire, produire un son. Je n’en fus pas capable.
Même mes cordes vocales, mes lèvres, ma bouche, semblaient figées, et je restai donc là, silencieuse et immobile malgré moi, regardant mon plafond ou les murs de ma chambre à coucher, effrayée et ne sachant pas quoi faire. Ensuite, il y eut les hallucinations. Je pense que vous connaissez toutes, au moins de vue tant il est célèbre, le tableau de l’artiste suisse Füssli : Le Cauchemar.
Certains critiques artistiques voient dans cette toile une représentation de ce trouble du sommeil, figurant la sensation d’écrasement ou de suffocation au niveau de la poitrine, mais aussi les visions que certaines personnes rapportent avoir expérimenté au cours de cette phase. La femme évanouie en robe de nuit immaculée, le démon simiesque assis sur sa poitrine, et la tête fantomatique de cheval surgissant de l’obscurité environnante… Par chance, je n’ai pas souffert d’hallucinations visuelles durant cet épisode, non. Les miennes furent exclusivement auditives.
Ça a commencé par une respiration, au début imperceptible, puis de plus en plus claire et marquée. Et à mesure que je réalisais que « quelque chose » ou « quelqu’un » respirait à côté de moi, ce souffle se faisait rauque et sifflant, et paraissait se rapprocher de mon oreille. Je n’ai compris que plus tard qu’en fait, l’hallucination se faisait plus obsédante parallèlement à mon angoisse grandissante ; sur le coup, ma peur était bien trop forte pour pouvoir laisser de la place à ma capacité de raisonnement. Soyons claires, j’étais complètement paniquée. Puis, à la respiration tout contre mon oreille, s’ajouta l’impression d’entendre la voix de ma mère m’appeler depuis l’extérieur de la maison ou du rez-de-chaussée… Difficile à définir. Mais elle prononçait mon prénom, de façon régulière et presque mécanique, comme si elle réclamait ma présence rapidement à ses côtés. Je voulais lui répondre, hurler de venir m’aider, lui demander de venir dans ma chambre pour me faire sortir de cet état.
Mais au bout du compte, ce furent les mains de mon frère qui vinrent à mon secours. S’étant levé pour aller boire, il avait entendu ma respiration qu’il me décrivit plus tard comme « lourde » et « difficile », et était venu voir comment j’allais, pensant que je faisais un cauchemar. Je vous laisse imaginer son impression quand il me vit allongée dans mon lit, droite et raide, les yeux grands ouverts et roulant de tout côtés. Il n’eut même pas besoin de me parler, le simple contact de ses doigts suffit à me faire sortir de mon état de sommeil transitoire, et ma paralysie cessa à cet instant précis. C’est souvent ainsi, la personne souffrant de ce trouble peut revenir à son état normal soit tout à fait naturellement, soit grâce un stimuli de la part d’une tierce personne. Je me souviens être restée de longues secondes à regarder mon frère avec des yeux de merlan frit, hébétée, retrouvant mon souffle et le contrôle de mon corps ; je tremblais de tous mes membres, encore sous le choc de ce qui venait de se passer.
Paralysie du sommeil, réduire les risques
Aujourd’hui, je suis bien incapable de vous dire combien de temps ma paralysie du sommeil dura. Quelques secondes ? Deux minutes ? Un quart d’heure ? Comme dans le cas d’un rêve, on n’a aucune conscience du temps qui passe, et on peut difficilement l’évaluer. Ma peur, couplée à cet état de demi-sommeil, m’a interdit toute estimation du temps écoulé.
Par la suite, bien décidée à ne plus jamais revivre ce genre d’expérience, je me suis renseignée sur ce trouble du sommeil, et j’essaie depuis d’appliquer à la lettre quelques conseils simples pouvant aider à l’éviter. Ne pas s’endormir allongée sur le dos, ne pas absorber d’aliments riches en vitamines ou caféine avant d’aller se coucher, ne pas penser au stress, aux soucis, éviter les irrégularités trop importantes de sommeil… Tant d’éléments qui auraient tendance à favoriser la paralysie du sommeil, mais aussi tout autre trouble nocturne pouvant résulter d’une mauvaise hygiène de vie.
Finalement, je ne peux que conseiller aux madZ de bien dormir, d’aller se coucher détendues et en mettant de côté les soucis de la journée, qu’il faut savoir reléguer au lendemain plutôt que les ressasser durant la nuit. Je n’ai pas connu de nouvel épisode de paralysie du sommeil, et je croise les doigts pour ne jamais revivre quelque chose comme ça. Ayez un bon sommeil, les madZ, et prenez soin de vous !
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