Article mis à jour du 15 novembre 2018 —
Il y a trois ans, je découvrais l’histoire touchante et intime de Kheiron grâce au délicat Nous trois ou rien, dont Fab te parle plus en détails juste en dessous.
Si tu l’as raté au cinéma, je t’encourage vivement à lui confier deux heures de ton temps !
Publié initialement le 4 novembre 2015
Si on m’avait dit qu’un jour, je rirais autant devant un film qui parle de la répression politique en Iran, que ce film serait écrit et réalisé par Kheiron, et qu’il me ferait tant pleurer, je ne l’aurais pas cru…
Nous trois ou rien, un récit très personnel
C’est bizarre de découvrir l’histoire de quelqu’un que tu connais personnellement depuis quelques années à travers un film sur grand écran.
Dans Nous trois ou rien, Kheiron incarne son propre père (rien que ça), Hibat, qui se bat contre le régime du Shah d’Iran.
S’opposer à un dictateur n’est pas sans risque, ce qui lui valut d’être condamné à dix ans de prison.
Le jeune avocat passera sept ans et demi dans les geôles iraniennes, avant de finir par être relâché, grâce à la pression populaire révolutionnaire.
Au-dehors, la vie reprend : Hibat fait la rencontre de Ferehstet, sa future femme (et future maman de Kheiron).
Mais une dictature en cache parfois une autre, et la révolution tant attendue par le peuple iranien en 1979 porte finalement au pouvoir l’Ayatollah Khomeini… la monarchie du Shah est remplacée par une dictature islamiste.
Nous trois ou rien, d’Iran à Pierrefitte
Hibat et Ferehstet se battront pendant quatre ans, avant de quitter le pays avec le petit Nouchi, âgé de quelques mois, pour arriver en France, « le pays des Droits de l’Homme et de la première révolution ».
La seconde partie du film se concentre sur la vie du couple en banlieue au nord de Paris : ils vont tous les deux s’investir dans la vie locale de Pierrefitte, faisant de cette cité de 25 000 habitants l’une des villes leaders en France sur le plan de la médiation.
Voilà pour le pitch. Parlons très vite du casting fantastique que Kheiron a réussi a réunir autour de ce film.
Nous trois ou rien, un casting ambitieux
Il ne connaissait pas personnellement la plupart des acteurs et des actrices, et notamment les grands noms du cinéma français comme Leïla Bekhti, Gérard Darmon et Zabou Breitman, qu’il a réussi à convaincre grâce à son seul scénario.
Leila Bekhti en a lu sept pages, avant d’accepter le rôle de Ferehstet, qu’elle sublime par un jeu formidable et très juste.
Gérard Darmon et Zabou Breitman sont fantastiques, Alexandre Astier en Shah est horriblement drôle, sans oublier Jonathan Cohen impeccable (et hilarant) et Kyan Khojandi, purement flippant dans son premier rôle de « méchant ».
Comme Kheiron l’expliquait dans notre interview, il n’oublie pas tous les seconds rôles qui sont « des pointures de jeu », notamment Michel Vuillermoz en maire mégalo.
Je veux vous en dire le moins possible sur le film pour ne pas vous gâcher le plaisir, mais sachez juste une chose : en plus d’être très drôle, Nous trois ou rien est une pépite d’humanité. 1h42 de rires, de larmes et de gorges serrées.
Nous trois ou rien, l’histoire vraie de héros ordinaires
Si on prend du recul, Nous trois ou rien, c’est une histoire de réfugiés politiques qui fuient un pays où leurs vies sont directement menacées, parce qu’ils ont l’insolence de refuser la privation de libertés, de droits humains élémentaires.
Ils se battent pour la démocratie, et lorsqu’ils sont contraints de partir, ce n’est ni à la légère, ni de gaité de coeur qu’ils entament leur périple.
Personne n’entreprend un tel voyage avec un enfant aussi jeune, à moins que la situation ne soit véritablement intenable chez soi.
C’est une phrase que l’on a dite et répétée, récemment, en essayant de comprendre comment autant d’enfants, comme le petit Aylan Kurdi, pouvaient finir noyés sur les plages de la Méditerranée.
Qui étaient ces parents qui ont pris tant de risques pour traverser des frontières ?
Hibat et Ferehstet ont été de ceux-là, et Nous trois ou rien raconte une de ces histoires parmi celles-là, par le grand angle : celui qui nous donne, ici, en France, une nouvelle perspective sur cette « question de l’immigration » qu’on a beaucoup trop tendance à voir par le petit bout de la lorgnette.
Nous trois ou rien, l’histoire qui manquait à la nôtre
Hibat, Ferehstet, et tant d’autres comme eux, n’ont pas quitté leur pays d’origine pour les vertes prairies d’Île-de-France. Ils ont été contraints à l’exil, parce que leur modeste envie d’être libres menaçait leur vie.
En lieu de « vertes prairies », ils sont arrivés dans les étendues bétonnées des banlieues parisiennes, et c’est là qu’ils ont trouvé la misère.
Nous trois ou rien est une histoire trop peu entendue, trop peu reconnue, et qui manque à nos racines.
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