À la rédac’, on a reçu une invitation pour se rendre à la projection presse de Nocturama. C’était avant les vacances et je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre avec la bande-annonce. Tout ce qu’elle montrait, c’était des jeunes dans le métro, coordonnés à la minute et qui se retrouvaient la nuit tombée dans un grand magasin. L’image était très belle, la musique aussi, donc j’y suis allée. Eh bien ce film de Bertrand Bonello qui s’appelait à l’origine Paris est une fête, il m’a happée.
Nocturama, un film aussi silencieux que bruyant
La première partie nous fait déambuler dans le métro, il n’y a ni artifice ni rebondissements
La première partie nous fait déambuler dans le métro, il n’y a ni artifice ni rebondissements. On suit un par un ou par groupe ces jeunes qui se croisent, se regardent sans se sourire, prennent des photos et regardent leur montre. La musique n’est pas vraiment présente, ils n’échangent pas un mot et tout est fait pour être le plus réaliste possible. Plus on avance avec eux plus on finit par comprendre que leur ballet va être funeste. Les personnages commettent des attentats sous nos yeux.
Ils vont alors se créer un monde fantasmé pour quelques heures
Vient ensuite la longue attente avant le lendemain. Retranchés dans un grand magasin, ces jeunes sont coupés du monde extérieur sans téléphone et ils ne regardent que très peu les informations. La nuit peut commencer et ils vont alors se créer un monde fantasmé pour quelques heures.
En tant que spectateurs, nous n’avons pas plus d’informations qu’eux, on vit en même temps qu’eux l’isolement et les conséquences de leur inconscience. Comme s’ils se réveillaient, la musique devient bruyante — c’est d’ailleurs eux qui augmentent le volume, et on a presque envie parfois de baisser le son pour mieux entendre les acteurs. Ils se sentent libres de faire ce qu’ils veulent.
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Une révolte sans nom dans Nocturama
« Ça devait arriver »
Le film parle du « comment » du terrorisme mais n’est pas axé sur ses raisons. Une apparition furtive de Adèle Haenel justifiera seulement par « ça devait arriver ». Un ministère, une banque HSBC, un gratte-ciel, la statue de Jeanne d’Arc… Les symboles représentent notre société actuelle : le capitalisme et la politique. Le public imagine un ras-le-bol général vis-à-vis du monde dans lequel ils vivent mais ce n’est que survolé.
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Pourtant ces jeunes se retrouvent dans ce grand magasin et se reconnaissent dans toute cette culture. L’un est habillé comme un mannequin, un autre joue aux jeux vidéos pendant qu’en bas, d’autres vont sur Facebook et passent de la musique commerciale. Ce monde qu’ils ont voulu détruire leur appartient et la frénésie de tout ce luxe à portée de main leur monte à la tête. Tout est beau et les fait rêver. Dans ce micro-monde où tout est possible, le monstrueux est tapi en eux.
D’ailleurs les spectateurs restent dans le flou sur les protagonistes : leurs parents existent quelque part, leur origine sociale se devine sans en savoir plus, et pourtant ils sont là, réunis on ne sait trop comment pour commettre l’irréparable. Seuls quelques flashbacks nous en apprennent un peu plus. Entre des enfants privilégiés, des jeunes de banlieue, ceux qui ont peur et ceux qui ne ressentent rien, on a beaucoup de mal à croire qu’ils aient pu passer à l’acte. Pourtant si.
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Nocturama : le film de l’année 2016 selon moi
Le film est enivrant et construit à la perfection. J’ai vraiment eu un gros coup de coeur pour la réalisation, les acteurs, les plans larges, la photographie, la musique de Nocturama. Tout était juste et se combinait merveilleusement bien. Les acteurs, pour la plupart débutants, promettent un avenir magnifique au cinéma français.
Une jeunesse française perdue
Si le sujet est délicat, je n’ai pas trouvé dans Nocturama de quoi faire polémique. Il n’a pas de rapport avec les évènements récents mais se concentre plutôt sur une jeunesse française perdue. Le film réussit même à nous attacher à ces terroristes qui paraissent naïfs, inconscients, pourtant si froids, et qui juraient encore à leurs parents de les retrouver dimanche pour déjeuner.
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Nocturama est un chef-d’œuvre subversif, tantôt calme, tantôt haletant, qui ne laisse personne indifférent. Je ne peux que vous conseiller vivement de voir ce film qui j’espère fera beaucoup entendre parler de lui. Ses acteurs en tout cas, comme Hamza Meziani et Laure Valentinelli, deux talents prometteurs qui n’ont pas dit leur dernier mot, ne font que commencer leur carrière.
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Les Commentaires
J'étais tellement plongée dans le film que j'étais malade d angoisse tout en m émerveillant sur la photographie, le montage et la musique.