Manger des insectes est une pratique alimentaire peu conventionnelle.
Je me souviens toujours de l’épreuve des mygales cuites dans Koh-Lanta et ça me fout un peu la gerbe mais c’est sûrement une question d’habitude.
Ah ! L’épreuve de la dégustation. Un grand moment.
Puis j’ai découvert l’histoire de Sophie, adepte du régime entomophagique (qui inclut des insectes dans son alimentation).
À 25 ans, elle a toujours été tentée par des expériences qui sortent de l’ordinaire.
Elle n’a pas hésité une seule seconde quand une de ses amies, récemment de retour de Thaïlande, lui a proposé d’acheter des petites boîtes d’insectes pour faire une dégustation.
Elles sont allées faire un tour dans un magasin qui en propose et se sont procuré quelques produits relativement chers pour la quantité (environ 8 euros les 100 grammes).
À la première bouchée, Sophie est conquise.
« Cela me rappelle un peu la texture des chips, décrit-elle. C’est croquant et le goût m’a plu. »
Depuis, la jeune fille en service civique a choisi de se renseigner autour de l’inclusion des insectes dans son alimentation.
« J’ai découvert la farine d’insectes, en particulier, la farine de grillons. On les broie pour en faire de la poudre.
Elle sert à agrémenter les sauces ou faire de la pâtisserie… un peu comme la farine traditionnelle à base de céréales. »
S’intéresser à l’entomophagie
Sophie mange toujours de la viande, elle avoue d’ailleurs en consommer régulièrement parce qu’elle apprécie le goût. « Je ne me vois pas arrêter, dit-elle, mais il y a un souci avec la consommation de viande, aujourd’hui. »
Le documentaire Bugs, présenté au festival Alimenterre en 2017, l’a convaincue.
Elle raconte :
« Je me suis dit que manger des insectes pouvait être un bon compromis, une alternative à la viande.
Désormais, j’envisage d’en consommer de manière régulière mais j’aimerais trouver un moyen d’en acheter plus facilement. »
Pour le moment, Sophie a une liste de sites qui vendent des insectes et d’autres produits à base d’insectes par Internet tel que jimini’s ou mangeonsdes insectes.com.
Pourtant elle m’explique qu’en trouver en vente libre en Europe reste encore marginal. Seuls certains commerces spécialisés en proposent dans leurs rayons.
J’ai discuté au téléphone avec Déborah de Ïhou.fr, une entreprise française basée à Faulquemont en Moselle, qui vend des produits alimentaires à base d’insectes.
Déborah a co-fondé son entreprise avec son associée Pauline, ingénieure en agroalimentaire.
Aujourd’hui, elles sont toutes les deux éleveuses d’insectes, plus précisément de grillons.
« On devient éleveuse parce qu’on a une sensibilité aux problématiques de développement durable ainsi qu’un esprit entrepreneuriale » souligne Déborah.
Élever des insectes, un vrai processus
Avant de se lancer dans l’aventure de l’élevage d’insectes, Déborah venait du secteur de la sécurité sanitaire et accompagnait les entreprises agro-alimentaires sur ces questions.
Avec leur équipe, le duo d’entrepreneuses gèrent une grande partie du processus de production.
Elle m’explique :
« On passe par plusieurs étapes : il y a d’abord la reproduction des grillons qu’on élève. Ensuite, vient l’abattage en interne des insectes par le froid dans les chambres froides dédiées.
Nous les mettons dans dans un état d’hibernation avec un froid positif, puis un froid négatif pour les tuer.
Ensuite, les grillons sont transformés.
La première phase de transformation consiste à déshydrater les grillons. On en vend une partie sous cette forme.
Les autres sont expédiés à des entreprises qui les transforment en farine.
Enfin nous les distribuons directement avec la marque, Ïhou, mais aussi auprès d’autres distributeurs qui partagent les mêmes valeurs que nous, à savoir la production bio et d’origine française. »
L’impact de l’élevage d’insectes
Selon Déborah et son expertise sur le sujet, l’élevage de grillons s’avère moins polluante que l’élevage intensifs d’animaux à viande.
D’après le site viande.info cité par Greenpeace, pour produire 1 kg de protéines carnées il faut en moyenne 7 900 litres d’eau.
Pour 1 kg de grillons seulement 1 à 5 litres d’eau suffisent. Elle poursuit :
« Les grillons mangent moins que les bovins et ils nécessitent moins d’espace puisqu’on a élaboré des élevages à la verticale. »
Mais un pavé de bœuf est-il aussi nourrissant que des grillons ? Pour Déborah, aucun doute n’est possible :
« Chez les insectes, le taux de protéines s’élève à 78%. On peut avoir l’équivalent de valeurs nutritionnelles de 100 grammes de bœuf dans 30 à 40 grammes de grillons. »
L’entomophagie, une autre alimentation
Comme Sophie, Déborah trouve que la texture des grillons déshydratés ressemble un peu à celle des chips.
Elle ajoute que le goût s’approche de celui des céréales, telles que les graines de tournesol à manger comme en-cas.
Elle précise que les possibilités en cuisine sont nombreuses :
« Avec de la poudre de grillons, nous pouvons faire des pâtes aux insectes, des chips aux insectes, des pains à burgers aux insectes.
L’insecte, je l’utilise au quotidien, dans des recettes de gâteaux par exemple.
Je l’implémente dans un tas de préparations, comme une simple jardinière de légumes avec les pâtes à base de farine d’insectes. »
Elle ajoute :
« Je pense que la prochaine étape de l’inclusion des insectes dans notre alimentation se fera par les farines. »
Pour Déborah, si la consommation d’insectes n’est pas démocratisée en Europe et dans le monde occidental, c’est une simple question de barrière culturelle.
Dans d’autres régions du monde, notamment l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud, environ 2,5 milliards de personnes mangent des insectes régulièrement.
Déborah explique :
« Il y a un vrai travail de pédagogie à faire selon moi en Europe. Aujourd’hui, Ïhou vend des produits de découvertes alimentaires.
Pour une première fois, nous suggérons de petits insectes déshydratés. Cela peut permettre de mettre au tapis les aprioris. »
Et toi, oserais-tu manger des insectes ? Oui, non ? Dis-moi pourquoi dans les commentaires !
À lire aussi : L’alimentation végétalienne est-elle dangereuse pour la santé ?
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Les Commentaires
Je pense que plutôt que dire "les végans peuvent-ils manger des insectes oui ou non" il faut différentier les motivations qu'il y a derrière leur véganisme : est-ce qu'elles sont plutôt écologiques ? Ethiques ? Sentimentales ? La limite à ce qu'ils s'autorisent à consommer sera dans tous ces cas différente.
Je suis personnellement principalement motivée par l'aspect écologique et en second lieu anti-spéciste : je vais donc avoir plus de réticence à manger des produits gourmands en eau, très transformés ou acheminés de loin que des insectes qui au mieux ne ressentent pas de douleur, au pire ont des vies assez courtes qui qu'il arrive (ou bien des moules et huîtres, si on suit les recommandations de @Poacée (ma ref sur la sentience ), cfr ses commentaires ici et là ). Pour moi un régime équilibré est surtout diversifié, donc je trouve qu'une source durable de protéines en plus des pois chiches est toujours bonne à prendre !
(Petite remarque en passant : on pourrait arrêter de décréter "les végan sont contre l'exploitation animale, donc..." ? De plus en pus de gens n'osent plus se décréter végé ou végan à cause de toutes les remarques qu'ils se prennent à la moindre incartade, alors qu'ils font déjà pas mal d'efforts de réflexion et de changement de leur alimentation. Un peu de nuance dans les propos ne ferait pas de mal selon moi...)