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Culture

Louis C.K. parle des grosses dans Louie (et remporte un Emmy)

Dans Louie, saison 4 épisode 3, Louis C.K. aborde le traitement réservé aux femmes en surpoids et la grossophobie, à travers le personnage de Vanessa. Et c’est foutrement bien fait.

Le 26 août 2014 :

L’épisode So did the fat lady de Louie vient de remporter un prix aux Emmy Awards 2014 : celui du meilleur scénario de comédie ! Ça fait plaisir de voir qu’un sujet aussi délicat est primé lors d’une importante cérémonie.

Le 15 mai 2014 :

Vanessa est serveuse dans la salle de stand-up qui accueille Louie, alias Louis CK. Elle est drôle, adorable, quelque peu badass, et elle est grosse. Du coup, quand elle le drague, il préfère refuser ses avances, alors qu’il a passé l’épisode précédent à tenter de séduire (sans succès) les autres serveuses, à la silhouette plus fine. Ce n’est que quand Vanessa lui offre des tickets de hockey dont elle n’aura pas l’usage, mais qui valent très cher, que Louie se sent mal et lui propose un café.

Le rendez-vous se passe à merveille, ils s’entendent très bien et on sent une vraie alchimie entre les deux personnages.

Mais quand Louie se plaint d’avoir du mal à séduire, c’est un peu la goutte d’eau pour Vanessa, qui lui adresse des répliques bien senties sur la place accordées aux femmes grosses par la société. Ça dure sept petites minutes, et c’est quelque peu parfait :

https://www.dailymotion.com/embed/video/k5PxSAKrKtkiny7A0z4 Pour voir la vidéo sous-titrée, cliquez sur le bouton CC dans la vidéo

Être gros, c’est plus facile que d’être grosse ?

Être en surpoids, en général, c’est compliqué. Les gens s’arrogent le droit de juger ce qu’il faudrait manger, les sports à pratiquer, les vêtements qu’on a le « droit » de porter, la façon dont on devrait vivre, voire notre droit à enfanter (ceci n’est pas une exagération, je connais des gens estimant très sérieusement que les gros-ses ne devraient pas procréer). Et ça, c’est valable pour les hommes comme pour les femmes.

Mais le fait est que la façon dont les femmes sont considérées par la société dépend grandement de leur apparence, et de leur conformité aux canons de beauté. Le cinéma, par exemple, ainsi que les séries, regorgent d’hommes en surpoids aux rôles variés : il y a un monde entre un Tony Soprano rondouillard, un Andy Dwyer un peu enrobé ou un Truman Capote !

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Les actrices grosses sont plus rares. Récemment, aux États-Unis, on a vu émerger Melissa McCarthy (Les Flingueuses, Mes meilleures amies) et Rebel Wilson (The Hit Girls), deux actrices de talent, mais trop souvent cantonnées au rôle classique de la grosse drôle, vulgaire, désinhibée et gourmande, qui croque la vie à pleines dents et n’a pas d’histoire romantique. Il y a moins de diversité dans les rôles de femmes qui ne font pas un petit 36.

Un homme gros aura peut-être du mal à séduire, mais une grosse pourra carrément ne pas être considérée comme une femme, comme un partenaire potentiel. J’ai beau ne faire « que » du 44, je remarque que le regard des hommes a changé du tout au tout depuis que j’ai pris ma petite quinzaine de kilos…

C’est ce que Vanessa reproche à Louie : même s’ils sont compatibles à tout point de vue, qu’ils ont le même humour, les mêmes goûts, et qu’une réelle alchimie se développe entre eux, il n’a même pas voulu l’envisager comme une partenaire potentielle, alors qu’il draguait à tout va les serveuses plus minces…

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Comme elle le dit très justement, Louie peut monter sur scène et parler de son surpoids, du fait que ça l’empêche de séduire, de retrouver une femme prête à partager sa vie. Le surpoids change le regard que les gens portent sur nous, c’est une réalité. Mais les femmes grosses souffrent d’une « double peine » : on ne les autorise pas à se plaindre de leur situation, comme Louie le fait. On ne les autorise pas à pointer du doigt le traitement qu’elles subissent.

« T’es pas grosse, voyons »

Le premier réflexe qu’on a quand quelqu’un qu’on apprécie fait un commentaire dévalorisant sur son physique, c’est de le/la rassurer. « Mais non enfin, t’es pas moche aujourd’hui

», « Oh promis on le voit pas du tout ton bouton »… C’est humain, et ça part d’une bonne intention.

Sauf que dire à un-e gros-se « Mais non, tu n’es pas gros-se voyons », c’est problématique. Déjà parce que ça confirme le fait qu’être en surpoids, c’est mal ; or, quand je dis « je suis grosse », je ne me dévalorise pas, je ne me plains pas. C’est comme dire « j’ai les cheveux courts » ou « je suis petite » : c’est un fait. Et ça m’a pris du temps d’accepter ça, alors laissez-moi embrasser pleinement ma condition de grosse qui le vit bien !

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— Tu t’appelles comment ? — La grosse Amy. — Tu t’appelles toi-même « la grosse Amy » ? — Ouais, pour que des connasses comme toi ne m’appellent pas comme ça derrière mon dos.

Dans Louie, Vanessa est consciente que son poids joue dans la difficulté qu’elle a à rencontrer des mecs et à les séduire. Et le héros ne lui répond pas « mais enfin, les mecs se foutent du fait que tu sois grosse » : il lui répond « mais enfin, tu n’es pas grosse ». Si elle n’est pas grosse, alors pourquoi a-t-elle tant de mal à draguer ? Aurait-elle d’autres défauts insurmontables ?

Eh non : elle le sait, et Louie le sait aussi, Vanessa est une fille formidable. Mais elle est en surpoids. Et dans la course à la séduction, ça pèse forcément dans la balance (sans vouloir faire de jeu de mots foireux).

Vanessa, un personnage sincère qui fait plaisir à voir

Comme Rae dans My Mad Fat Diary, Vanessa est un des rares personnages féminins qui assume et reconnaît son surpoids, tout en sortant du stéréotype de « la grosse de service » dont je parlais plus haut. C’est un personnage réaliste et complexe, pas un quota.

C’est surtout un personnage extrêmement lucide, à la fois sur elle-même et sur la société. Quand elle prend Louie en porte-étendard des hommes en général, elle n’est pas haineuse, ni violente : elle est blessée, et dégoûtée. Dégoûtée d’être traitée ainsi par tout un groupe de personnes, simplement parce qu’elle ne correspond pas à leurs goûts, ni aux canons de beauté de la société.

Et Louie, en face, il ne fait pas le fier. Il n’essaie pas de nier le fait que s’il a refusé les avances de Vanessa, c’est à cause de son poids, et quand elle lui dit que quelqu’un qui les regarderait de loin se dirait qu’« ils vont bien ensemble » (puisqu’ils sont tous les deux gros), il ne le nie pas non plus. Il admet que ce sont ses propres insécurités, ses propres complexes qui l’ont mené à rejeter Vanessa.

Je ne sais pas vous, mais moi, voir un mec admettre ça, ça me fait du bien. Et puisque c’est Louis CK qui écrit la série (et puisque Sarah Baker, qui joue Vanessa, a confirmé n’avoir eu aucun rôle à jouer dans l’écriture du personnage), je suis heureuse de voir qu’un homme peut prendre assez de recul sur ses actions pour inclure un personnage de femme en surpoids aussi réaliste.

Certain-e-s trouvent que ce personnage est critiquable, comme Slate.com, où l’on peut lire :

« Vu sous le prisme de la culpabilité, son discours est parfait, mais si on le prend comme une exploration du personnage, il comporte un peu trop… de culpabilité. Ce moment enrichissant de la part de Vanessa, et plus généralement tout cet épisode, est très critique envers Louie. Mais il est également condescendant envers Vanessa : si tout ce qu’elle veut dans la vie est tenir la main d’un mec gentil, une fille aussi cool qu’elle peut atteindre ce but facilement. Je me demande si on verra un jour une grosse à la télé qui réclame un peu plus que ça. »

Et vous, que pensez-vous de cette séquence ? Si vous êtes en surpoids ou que vous connaissez des gens dont c’est le cas, avez-vous remarqué que ça handicape la séduction ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

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Avatar de Membre supprime 187401
7 octobre 2014 à 12h10
Membre supprime 187401
J'ai lu les commentaires et je suis plutôt d'accord en général : la société veut nous dicter à quoi on doit ressembler, les gens font des amalgames, et tentent d'être "gentils" en disant "mais non, t'es pas [insérer ici le complexe]".

Selon certains standards, je ne suis pas "grosse". Selon d'autres, je le suis. Je pèse 70kg pour 1m68, je porte des taille 42.
J'ai toujours eu une relation d'amour-haine avec mon corps. ça a commencé quand je devais avoir 5 ou 6 ans. Ma soeur, 3 ans plus jeune que moi, arrivait à faire des acrobaties que je n'arrivais pas à faire (quoique ça a commencé un peu plus tard : elle grimpait à la corde à noeuds, escaladait des arbres qui semblaient me dire "nan, chuis pas pour toi, t'es pas assez souple" Et surtout, ma soeur était plus mince que moi. J'ai longtemps été jalouse de son corps. (Et je ne le lui ai jamais dit..)

Pendant l'adolescence, je me sentais très mal dans ma peau : je m'attachais toujours les cheveux (parce que les cheveux qui pendent, je trouve ça hyper féminin et je pensais que ça allait attirer les mecs comme des mouches), et j'avais tellement pas-confiance en mon corps qui changeait que j'en étais gênée, et je ne voulais pas que des mecs voient ce corps (de près ou de loin).
Puis, le temps faisant (et le travail sur moi-même aussi) (et le fait de larguer un de mes ex, aussi), je me suis acceptée. J'aimais la personne que je devenais, et j'aimais mon corps -la plupart du temps en tout cas-.

Et un jour, les choses ont re-basculé : j'ai eu la mononucléose et j'ai pris 10 kgs. Des gens disent que ça ne se voit pas, mais moi, je le sens. Et ça me frustre de ne plus rentrer dans les pantalons dans lesquels je me sentais bien/sexy/attirante/jolie/à l'aise.
Ce qui me vexe le plus, c'est que - maintenant que je suis décidée à perdre ces 10 kg pour me "retrouver" - il y a toujours des gens pour dire "mais t'es pas grosse". Je sais, je ne pèse "que" 70kg pour 1m68, mais je ne me sens pas bien. Lorsque je dis que je ferai l'impasse sur cette sortie burger-frites, et que je mangerai plutôt une petite tartine, on me dit "mais allez, c'est trois fois rien, un burger". Lorsque je fais un p'tit jogging et qu'on me dit "mais t'es jolie, t'as pas besoin de perdre de poids" (retour à l'amalgame grosse = moche), j'ai juste envie de foutre mon poing dans la tronche de la personne qui me le dit. 

Ce qui m'a fait du bien, c'est le message qu'une super-pote m'a envoyé pour mon anniversaire. Elle m'a souhaité le meilleur pour cette année, y compris perdre ces 10 kgs si ça participait à mon bonheur. Et là, j'ai senti que j'étais comprise. 

Cela dit, tout n'est pas tous les jours "moche et triste". Il y a des jours où je me vois dans le miroir et je me dis que je suis jolie, que ces courbes sont sympas. (Bien sûr, il y a aussi des jours où je me dis "eurk, c'est tout flappi, faut que ça disparaisse" Heureusement, aussi, mon mec (que j'ai rencontré avant ma mono) me soutient. Il m'aime comme je suis, et il me dit que ce qu'il veut, c'est que je sois  bien dans ma peau (par contre, il a un peu peur que je perde mes seins en mincissant :boobies

En somme, ce que je tente maladroitement de dire, c'est que tous les corps sont des beaux corps. Ce qui est important, c'est de se sentir bien dans le sien.

Oh, oui, et puis aussi, un truc qui me donne des envies de meurtre, c'est des slogans du type "habille-toi pour le corps que tu as, pas pour celui que tu voudrais avoir". Mais p*tain, un corps, c'est souvent deux bras, deux jambes, ce qu'il y a entre deux, et que je porte un t-shirt, une jupe, un short ou un jeans, l'important c'est que je me sente bien dans ce que je porte et tant que je ne te demande pas ton opinion, tu te la mets dans le c*l !!

Bref, peace, love, et n'oubliez pas que vous avez le droit d'aimer votre corps et de vous aimer vous-même (oui, le droit, c'est pas une obligation).
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