Mise à jour du 23 octobre 2013 :
Lors de la conférence de presse à l’issue du conseil des ministres, une journaliste a interpellé Najat Vallaud-Belkacem au sujet de la vidéo de Guillaume Pley. Elle a annoncé s’être entretenue avec l’animateur radio, qui serait « en train de réfléchir à un contre-message » (voir à 26 minutes de cette vidéo).
« Dans une vidéo vue plus de 3 millions de fois, un animateur radio de la radio NRJ embrasse de force des inconnues, je voulais savoir si vous l’aviez vue, et ce que vous en aviez pensé »
« Oui je l’ai vue. J’ai été sensible aussi à l’émotion qu’elle a déclenchée, puisqu’on a vu un certain nombre de réactions relativement légitimes, sur notamment les risques induits de cette vidéo, qui met en scène en réalité le non-consentement. On sait que cette vidéo sera vue, est déjà vue essentiellement par des jeunes, sans doute des mineurs, et en termes d’éducation au respect entre les sexes et d’éducation à la sexualité, on ne peut pas dire que cette vidéo véhicule les valeurs auxquelles nous sommes attachés.
J’en ai discuté avec son auteur, parce que je trouvais intéressant de pouvoir avoir cet échange avec lui, il a pris conscience de l’erreur commise notamment dans le fait de n’avoir mis aucun message de prévention comme cela peut apparaître parfois dans ce type de vidéos. Et donc l’auteur en question est en train de réfléchir à un contre-message qui pourrait être utile à la même jeunesse, je crois que c’est la meilleure façon de procéder en la matière. »
Après s’être excusé à l’antenne de NRJ lundi soir, Guillaume Pley est donc en train de réfléchir à un « contre-message ». Nous attendons de voir en quoi il consistera et sommes bien sûr prêt·e·s à lui offrir notre aide et de la matière sur le sujet :
- Tous nos articles sur la culture du viol
- Tous nos articles sur le harcèlement de rue
- Tous nos articles sur le slut shaming
- Tous nos articles sur le féminisme
Article initialement publié le 22 octobre 2013
La réponse de Guillaume Pley, loin d’éclairer les problèmes posés par sa vidéo « Comment choper une fille en 3 questions », en soulève de nouveaux, sur la responsabilité des médias dans la diffusion de stéréotypes sexistes. Hier soir sur NRJ, Guillaume Pley a réagi à « la polémique » autour de sa vidéo Comment choper une fille en 3 questions dès sa prise d’antenne. Nous avons retranscrit l’intégralité de sa réponse.
Un peu plus tôt dans la soirée, il avait refusé le dialogue avec les personnes rassemblées devant le siège de la radio, à l’initiative de Daria Marx. Il avait également été interpellé sur Twitter tout au long de la journée.
Autant de messages, autant de réactions relayées dans la presse qui auraient dû aider à prendre conscience de la gravité du problème.
Et les excuses de Guillaume Pley ne sont pas une réponse adéquate à ce problème.
« Ne faites pas ça chez vous »
À l’antenne, l’animateur précise :
« Il faut évidemment pas refaire ça chez vous parce que c’est vrai que je l’ai pas assez signalé. Alors j’suis d’accord avec vous, parce que je pensais que c’est vrai qu’on l’avait mis dans le pilote… mais effectivement dans la vidéo… ça me semblait logique que c’était pas un truc à faire dans la rue ».
Cette mise au point aurait été davantage crédible s’il n’avait pas publié la vidéo sur sa page Facebook en encourageant à « [cliquer] sur j’aime et partagez tout le monde pour la montrer ! ahaha essayez vous aussi ! » :
Oui effectivement le « ne faites pas ça chez vous » n’était pas clairement perceptible. Le « comment choper une fille » accompagné du « essayez hahaha » laissait plutôt supposer que l’auteur invitait son auditoire à suivre son « tutoriel » pour « choper » avec succès.
Alors non, « on n’a pas trop kiffé le truc», effectivement.
Une incompréhension réciproque
Le «
je comprends que ça ait pu choquer » sonne comme un élément de langage destiné à montrer de l’empathie. Mais notre réaction n’était pas émotionnelle, c’était une réponse factuelle et argumentée, sur la nature juridique des actes mis en scène, sur la différence entre le harcèlement et la séduction.
De toute évidence, Guillaume Pley n’a pas compris. Ses fans, et une grande partie de son auditoire n’ont pas compris. « C’était de l’humour » n’est ni une excuse, ni une explication valable.
Le problème est que le harcèlement de rue est un fléau qui frappe les femmes au quotidien. Il ne faut pas nier cette réalité. Le problème est que des vidéos comme celle-ci, des « techniques de séduction », sont publiées chaque jour sur Internet.
C’est un combat quotidien que nous menons (la presse féministe, les blogueurs et blogueuses engagé·e·s, les militant·e·s…) pour tenter de faire contrepoids contre le nombre de messages profondément sexistes, souvent présentés comme « de l’humour ». On peut y répondre ponctuellement. C’est ainsi que nous avions par exemple, réagi à la vidéo Le viol c’est lol. C’était aussi « de l’humour ».
On peut faire de la pédagogie, contribuer à faire avancer le débat sur le sexisme, le respect, la tolérance. C’est ainsi que nous publions régulièrement des articles explicatifs sur le féminisme :
- Je veux comprendre… la culture du viol
- Je veux comprendre… le slut-shaming
- Je veux comprendre… le mansplaining
- Le genre n’est pas une théorie — je veux comprendre
- Et tous nos articles sur le féminisme
Mais notre vocation n’est pas de partir en croisade contre chacun des youtubeurs, contre chacun des internautes français ou étrangers qui postent et relaient des messages dégradants et dangereux pour les femmes.
D’ailleurs Guillaume, si tu me lis, je suis tout à fait prête à te rencontrer pour discuter plus en détail des problèmes posés par ta vidéo et ce qui ne nous satisfait pas dans ta réponse.
« La vidéo j’vais pas la retirer. Je vous explique pourquoi, parce que si je la retire dans 5 minutes elle sera mis sur le nom de quelqu’un d’autre. »
Oui mais voilà, tu n’es pas quelqu’un d’autre, Guillaume. Le problème c’est que ta vidéo va rester en ligne, qu’en plus des 2 millions et demi de personnes qui l’ont déjà vue, elle continuera de circuler.
Elle continuera d’être vue sans l’avertissement « ne faites pas ça chez vous ». De plus, de nombreux commentaires dénonçant le procédé ont été censurés sur YouTube hier, ainsi que sur Facebook, l’équipe de modération ne conservant que les commentaires saluant ta démarche, dont certains sont très insultants, et participent à la culture du viol.
La censure est rarement un signe de bonne foi.
Un problème d’éthique des médias
« Elles l’ont pas du tout pris comme une agression, les filles, alors c’est vrai que quand on peut le voir, ça fait un p’tit peu bizarre mais c’est vrai que quand on l’a fait, ça s’est pas du tout passé comme ça. Je m’excuse si j’ai choqué certaines personnes ou certains sites ou certaines… convictions etc. »
On se doutait un peu que « les victimes » de la vidéo avaient été informées du canular, qu’elles avaient ensuite accordé leur autorisation pour la diffusion de leur séquence. Le contraire aurait été peu professionnel.
Le problème est que nous, nous ayons pris ces séquences pour une agression. Et nous sommes nombreuses (et nombreux) à l’avoir pris de cette manière, à en juger une fois encore par le nombre des réactions sur les réseaux sociaux.
Et voilà le fond du problème, auquel tu ne réponds pas dans ton intervention hier soir, mais dont tu n’es pas le seul responsable. On ne peut pas mettre en scène le harcèlement de rue à la manière d’un canular humoristique et s’en excuser « si [on] a pu choquer ». Le procédé EST choquant, il aurait dû choquer beaucoup plus de gens, à commencer par ceux qui prennent la responsabilité de diffuser un tel contenu.
Et ce devoir incombe particulièrement aux médias dont l’audience principale est constituée de jeunes, qui peuvent manquer de recul sur certains sujets, qui plus est lorsque leur animateur vedette légitime des comportements banalisés, mais intolérables.
Voici par exemple un témoignage que nous avons reçu d’une lectrice, professeure en collège :
« J’ai l’âge de Guillaume Pley, je travaille avec des ados depuis six ans puisque je suis prof en collège et on (mes collègues et moi) combat régulièrement ce genre d’atteintes au sein même du collège mais aussi dans les transports scolaires.
Souvent, l’argument invoqué est « mais j’ai déjà vu le faire » ou « on me l’a déjà fait ». Il est évident qu’un gamin de 14-15 ans n’a pas la présence d’esprit de savoir ce qui est bien ou mal. Il ne réfléchit souvent que bien après.
J’ai eu le cas en conseil de discipline jeudi dernier, histoire de pantalon baissé au milieu de la cour (vous avez compris ce qui s’est passé).
Il faut arrêter de croire qu’ils savent discerner spontanément ce qui est bien et mal. Donc avec ce type de vidéos, ils ont de suite envie de tester, le font et après ils réfléchissent. Et ils ont de plus en plus tôt un regard sexué. J’ai un sixième cette année qui me regarde comme un bout de viande, c’est déstabilisant.
Imaginez si ce gamin voyait la vidéo et se mettait à le faire…
Je voulais écrire ce message sur la page Facebook de cet animateur et elle n’existe plus, je crois. C’est inquiétant qu’en étant une voix de la jeunesse, il ne prenne pas conscience de ses actes. »
Dans l’attente d’une réaction de la Ministre des droits des femmes
On se demandait en quoi allait consister concrètement la lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias, sujet inscrit au programme du projet de loi actuellement en examen au parlement. En voilà précisément un exemple.
Nous avons donc sollicité la Ministre des droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, parce que cette vidéo, l’audience qu’elle a reçue jusqu’à présent et la légitimité médiatique de son auteur constituent un cas d’école.
Son service de presse nous a informées que la Ministre « compte réagir dans les jours qui viennent ».
Nous attendons avec impatience.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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