Joie, allégresse, les films terrorisants s’enchaînent en ce moment au cinéma ! J’avoue, j’ai passé mon tour pour Pyramide, histoire d’éviter de renouveler la crise de nerfs d’un mauvais Ouija. Pourtant, j’ai poussé les portes du cinéma pour Goodnight Mommy aussi vite que les tourniquets de Disneyland. L’épouvante indépendante arriverait-elle à me sortir de ma torpeur (trop) grand public ? Mystère.
Cette nouvelle partie de cache-cache derrière tes doigts est signée Veronika Franz et Severin Fiala, deux réalisateurs autrichiens. Ce long-métrage d’une heure quarante est basé sur un scénario original et un peu flou, vu par des yeux d’enfant. C’est l’histoire de deux jumeaux et de leur mère, de retour après une opération de chirurgie esthétique. Derrière les bandelettes et à cause de l’attitude étrange de celle-ci, les enfants ont de plus en plus de mal à la reconnaître. Le bistouri l’aurait-elle changée… pas seulement en surface ?
Voilà enfin un bon épisode de Relooking Extrême.
Si dans le fond l’idée est quand même sacrément cool, ce n’est pas tout. Comme une excellente dissertation de philo, la forme a décidé de nous honorer de sa douce présence. Elle est d’ailleurs une des principales forces de ce film à la photographie froide, millimétrée, presque stérile, donc impeccable.
Chaque plan est étudié, les objets ont un sens et ne sont pas disposés pour étoffer le décor. L’utilisation des couleurs et surtout de la lumière est parfaitement maîtrisée. La mère exige le noir dans la maison durant sa convalescence, ce qui confère une atmosphère pesante, moite. Pourtant, si l’ombre fait place à la lumière clinique, ce n’est pas pour sortir le spectateur de la torpeur… C’est pour l’y enfoncer un peu plus loin.
Our house, in the middle of our street
L’action se centre principalement dans une maison de campagne et ses alentours. Elias et Lukas se cachent derrière les plans de maïs, explorent les grottes, jouent au Club des Trouvetout dans les ruines d’un vieux cimetière… Ces scènes quasi-oniriques qui rythment le récit amènent un peu de poésie et un potentiel presque fantastique à une histoire prête à tout pour t’en faire baver. Les endroits où jouer se suivent, mais la population se fait rare. Les jumeaux sont deux, mais semblent terriblement seuls.
L’originalité réside dans le lieu de vie, qui n’a rien à voir avec la bicoque en ruines classique de l’horreur au fond des bois. La maison est une villa d’architecte plutôt luxueuse, à la décoration impeccable et riche. Les lignes sont droites, tout est clair et soigné. Pas de grenier portant les marques d’un drame passé, point de porte aux charnières grinçantes. Le confort et la sécurité dominent, mais l’opulence est froide comme un bac à glaçons.
Ce magnifique ventilateur Dyson pourra-t-il nous détourner de la flippance de cette scène ? Je ne crois pas.
Chéri, j’ai perverti les gosses !
Si une performance mérite d’être saluée, c’est celle des acteurs incarnant Lukas et Elias Schwarz. Le film se repose presque entièrement sur eux.
Après chaque visionnage de ce genre, je me demande toujours comment de si jeunes enfants peuvent arriver à s’endormir après être décédés plusieurs fois, avoir trucidé le Jack Russel de la voisine et exploré une cave pleine de spectres prêts à aspirer lentement leur moelle épinière…
Ces jumeaux ont, dans leur façon d’être et de jouer, quelque chose d’adorable… fondu dans autre chose de carrément terrifiant. Leurs conversations sont étranges et, souvent, tu n’entendras que de longs chuchotements inaudibles entre eux. L’ambiguïté est telle que tu ne sauras rapidement plus à quel côté accorder ta sympathie. Et ça, c’est franchement troublant.
À lire aussi : Papa, Maman, je ne serai jamais celle dont vous rêviez
Et l’horreur dans tout ça ?
Quand on est sorti•e•s du cinéma, le vendeur à la caisse nous a tout de suite demandé « Alors, ça fait peur ? ».
Non, Goodnight Mommy ne fait pas peur (dans le sens où tu ne passera pas trente minutes à serrer les fesses et à t’enfoncer dans ton siège, histoire de ne pas sursauter lorsque le jump scare arrive). Les réalisateurs ne choisissent pas la facilité de la peur-réflexe, celle qui fait sursauter, qui s’aide principalement de la musique, de l’image subliminale dans un instant de calme. Sois sans crainte, ton pot de pop-corn ne risque pas de s’envoler dans les airs !
Voilà la principale force du film : il n’a pas besoin d’artifices pour délivrer son message. Et quand je dis qu’il ne fait pas peur… rien n’indique qu’il n’est pas glaçant.
À quand le tuto beauté spécial conjonctivite ?
Les films d’épouvante autrichiens n’ont rien d’une promenade de santé, et celui-ci ne déroge pas à la règle.
Goodnight Mommy est éprouvant, malsain, sale. Si tu as le coeur sensible, promets-moi d’amener un coussin pour fourrer ton visage dedans en cas de défaillance mentale. Le film joue avec les terreurs primaires, les situations qui secouent, les interrogations troublantes. Ajoute à ça un final pas crétin, et je te promets une après-midi en enfer (décoré par Valérie Damidot).
Goodnight Mommy, ça vaut le coup ?
Malheureusement, malgré une critique internationale très favorable, le film n’est pas très distribué en France. Tu devras sans doute user un peu les semelles de tes Stan Smith pour avoir la chance de juger s’il s’agit oui ou non d’une imposture sous pansements. C’est un peu triste quand on sait que Goodnight Mommy a reçu de nombreux prix (dont ceux du Jury jeune et Syfy au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer) !
Je te conseille tout de même d’y jeter un oeil (ou deux, c’est bien aussi) si tu n’as pas peur d’être secouée, que tu n’es pas claustrophobe, que tu n’aimes pas trop les chats et que tu ne t’es jamais endormie devant un film muet. Goodnight Mommy est un long-métrage original, beau, devant lequel il est impossible de rester droite et digne. Bref, vas-y et ne demande plus à ta mère qu’elle te chante une berceuse.
Genre, jamais.
À lire aussi : « It Follows » fait régner le malaise dans les salles de cinéma
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires