— Article initialement publié le 20 septembre 2016
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Divines. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
Cette année au Festival de Cannes, le public de la Quinzaine des réalisateurs a ovationné pendant dix minutes le premier long-métrage de Houda Benyamina, une réalisatrice qui revient de loin.
Divines est né de sa perception des émeutes de 2005 et de sa propre colère. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le prix de la Caméra d’Or était largement mérité !
Divines, une histoire d’amitié irrésistible
Dounia a 15 ans, est surnommée la Bâtarde, habite dans un camp de roms et passe ses journées dans la cité. Sa mère est paumée et alcoolique : Dounia ne peut compter sur personne à part Maimouna, sa meilleure amie.
Guidée par sa rage, son envie de s’élever au-dessus de sa condition, elle va quitter son BEP accueil et commencer à travailler pour une dealeuse, entraînant avec elle Maimouna.
À côté de la violence et la dureté qui émaillent leur quotidien, l’humour et la luminosité du duo d’amies semble pouvoir tout braver. Divines, ce sont ces deux jeunes filles qui affrontent la vie ensemble, qui font toujours bloc.
Tout semble les opposer (familles, convictions, caractères… le tout symbolisé par leurs apparences), mais leur inconditionnelle complicité est drôlement belle à voir. Elles sont si fortes, drôles et inventives ; on suit leurs combines, leur culot, et elles nous plongent dans des scènes galvanisantes !
Divinités et dangers
L’humour frais et le naturel percutant des dialogues contribuent à rendre Divines captivant, nous embarquant dans son univers et ses personnages en demi-teintes.
Leur figure de proue est peut-être la dealeuse Rebecca, qui livre une réplique drôle déjà culte (« T’as du clitoris, j’aime bien ») mais devient vite inquiétante, mesurant par exemple le courage de Dounia en lui mettant de force une arme dans la bouche…
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Du comique au tragique, le film alterne mais n’hésite jamais : la musique d’opéra, la place prémonitoire de la religion et de la superstition, l’appât de l’argent facile érigé en péché mortel… Divines suggère une tragédie contemporaine, tout en bouleversant et s’appropriant codes et genres.
Divines, un film féministe et humaniste
Des films français avec des dealeurs dans la banlieue, on en a déjà vus, mais avec des filles aux postes de pouvoir, jamais. Ici, celle qui domine, c’est Rebecca. Elle mène son réseau d’une main de fer, se fait conduire en décapotable au milieu des tours et entretient chez elle un bel éphèbe en sous-vêtements.
La sensibilité, l’art (ici la danse), la morale — attributs généralement caractéristiques des personnages féminins — sont laissés au garçon convoité par Dounia, renversant les codes genrés. La quête de « money, money, money » et de pouvoir est menée par les femmes, plongées au coeur d’une violence qui ne les épargne pas.
Le film se développe ainsi autour de la rage de Dounia, sa rage de s’en sortir, d’être indépendante, d’avoir du pouvoir et décider de sa vie.
Pourtant quand des journalistes font remarquer à Houda Benyamina le féminisme de son film, elle rejette le terme, préférant le qualifier d’humaniste. Si ses qualités féministes sont indéniables, elles s’inscrivent en effet dans une invitation générale à penser au-delà des limites et oppositions sociales traditionnelles.
Tout sauf manichéen, Divines nous offre une vision très mesurée des réalités difficiles qu’il dépeint. Extrêmement juste (dans tous les sens du terme), il montre une grande empathie.
On nous suggère qu’il n’y a pas de coupables ni de solution toute trouvée : on comprend les profs moralisateurs comme les élèves insolents, les dealeurs comme les gens rangés, les pompiers qui refusent d’intervenir comme les jeunes désespérés et en colère qui leurs envoient des projectiles… Mais le film ne tombe jamais dans le misérabilisme.
Pour autant, cet aspect « social » n’empêche pas une grande dimension artistique. Divines se distingue aussi par la beauté et l’efficacité de ses morceaux de danse, de la photographie, de la mise en scène ; par un très bon usage de la musique, et une sensibilité exacerbée. Superbement orchestré, il prend aux tripes.
Divines, film coup de poing
Le dénouement a parfois été critiqué, mais là où Bandes de filles m’avait donné l’impression d’abandonner un peu brutalement ses héroïnes à la dureté de leur sort après avoir loué leur insouciance adolescente, Divines mène jusqu’au bout son histoire — avec toutes ses complications et ce qu’elles impliquent.
Le film nous tient en haleine jusqu’à la fin, étant aussi bien réalisé qu’incarné. Le trio central d’actrices, la puissante Oulaya Amamra en tête, vaut pour lui seul le coup de voir Divines. Impossible de ne pas sortir bouleversé•e de ce bijou !
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Les Commentaires
J'avais également le sentiment d'être un peu seule face à la liesse général. Nous l'avons regardé avec mon chéri et nous avons également été plutôt déçu à la fin du film. J'ai trouvé la moitié du film d'une longueur absolu. Je pense que le tord de ce film est justement de ne pas sortir de la case "film de banlieue", et qu'il ne m'a pas apporté plus que les films que j'ai déjà pu voir ...
En même temps la scène de l’altercation entre la jeune et sa prof m'a plutôt fait rire, j'ai grandit et travaille en REP (anciennement ZEP) et franchement c'est une caricature.
Les deux comédiennes jouent par contre très bien, surtout l'actrice jouant Dounia. C'est la seule "chose" pour laquelle je n'ai pas eu le sentiment de perdre mon temps en le regardant.