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Culture

« Y le Dernier Homme » et « Saga » – Interview des auteurs

« Y le Dernier Homme » et « Saga » sont deux séries de comics au succès fulgurant. Elsa a pu interviewer leur auteur, Brian K. Vaughan, ainsi que les deux dessinatrices, Pia Guerra et Fiona Staples !

Edit du 22 juillet 2013 – Le Comic Con de San Diego se tenait ce week-end, et parmi toutes les festivités, il y avait notamment la remise de prix des Eisner Awards, qui est la plus importante et la plus prestigieuse pour l’industrie du comics.

C’est l’excellent Saga qui a raflé le prix de la meilleure série, mais également celui de meilleure nouvelle série, et l’incroyablement talentueux Brian K Vaughan a remporté le prix de meilleur scénariste. Le palmarès complet est visible ici, et l’on peut constater avec plaisir que Blacksad de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido est également parmi les gagnants !

Dans cette interview, Brian K Vaughan et Fiona Staples nous parlaient de leur travail sur la série, aux côté de Pia Guerra, la dessinatrice du tout aussi bon Y le Dernier Homme.

Article du 3 avril 2013

Brian K. Vaughan est un excellent scénariste. Il crée, dans chacun de ses titres, des univers vastes et complexes, mais surtout passionnants. Et il s’associe toujours à des dessinateurs de grands talents, histoire de nous offrir des comics complètement addictifs. Il est le scénariste des excellents Y le Dernier Homme (que Pénélope avait également adoré), Saga, les Seigneurs de Bagdad…et de nombreuses autres séries comics aussi originales que réussies. Il a également travaillé sur la série Lost.

Si son talent est indéniable, quelque chose que l’on ne peut que remarquer, dans ses séries, c’est la force des personnages féminins. Elles sont de vrais personnages principaux, avec du cran, et n’ont aucun air de ressemblance avec les stéréotypes que l’on croise trop souvent dans le monde du comics. De plus, Y le Dernier Homme et Saga sont dessinées par des femmes, et les dessinatrices ne sont pas légion dans un univers où le sexisme est encore très présent.

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Brian K. Vaughan est-il un redresseur de torts, qui décide de travailler avec des femmes, et de créer des personnages féminins au fort caractère pour leur redonner la place qu’elles méritent ? En fait c’est encore plus cool que ça. Brian K. Vaughan ne se pose pas ce genre de question. Pour lui, cela tombe sous le sens que les femmes soient l’égal des hommes (et c’est quand même vraiment triste de trouver ça exceptionnel). Il crée ses personnages féminins de la même manière que les personnages masculins, et il travaille avec des dessinateurs et dessinatrices en fonction de leur (grand) talent, et pas en fonction de leur sexe.

Brian K. Vaughan et les dessinatrices Pia Guerra et Fiona Staples : l’interview

J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Brian K. Vaughan, mais aussi Pia Guerra (la géniale dessinatrice d’Y le Dernier Homme) et Fiona Staples (la toute aussi géniale dessinatrice de Saga) au Salon du Livre pour les interviewer.

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Pouvez-vous vous présenter ?

Pia Guerra – Bonjour, je suis Pia Guerra, dessinatrice et co-créatrice d’Y le Dernier Homme.

Fiona Staples – Je suis Fiona Staples, dessinatrice et co-créatrice de Saga.

Brian K. Vaughan – Et je suis Brian K. Vaughan, co-créateur et scénariste de ces deux séries.

Nous allons commencer avec Y le Dernier Homme : comment résumeriez-vous l’histoire ?

Brian K. Vaughan – Dans Y le Dernier Homme, tous les hommes de la planète sont morts soudainement, sauf un jeune homme et son singe.

Comment est née l’idée de cette série ?

Brian K. Vaughan – Je crois que l’idée de cette série est arrivée après qu’une fille m’a quitté pour la première fois. Un genre de sentiment comme « c’est la fin du monde, il faut que j’écrive là-dessus ». C’est la fin du monde et en même temps ce genre de rupture permet aux garçons de devenir des hommes. Ça a été ma manière de gérer ce traumatisme qui m’a fait grandir.

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Ce comics a un univers très vaste, avec beaucoup de personnages, de lieux, d’histoires parallèles. Avez-vous commencé par écrire la structure, ou cela s’est-il fait au fur et à mesure de la série ?

Brian K. Vaughan – Je connaissais les bases, et comment je voulais conclure la série, la résolution des mystères, mais je ne savais pas exactement comment nous allions atteindre ce but. C’est là que Pia est arrivée pour m’aider.

Pia Guerra – Il est trop modeste.

Comment vous êtes-vous rencontrés, et comment s’est passé votre travail ensemble ?

Pia Guerra – Nous nous sommes rencontré via Heidi MacDonald (la première éditrice d’Y le Dernier Homme). Je l’ai rencontrée au Comic Con de San Diego, il y a quelques années. Je lui ai montré mon travail, mon portfolio. Elle a vu ce que je faisais, les livres sur lesquels j’avais travaillé. Elle a dit qu’elle me voulait sur quelque chose. Elle essayait de trouver, et quand j’étais prête à abandonner, en me disant qu’apparemment je ne pourrais pas travailler avec cet éditeur, et que je devrais chercher ailleurs, elle est venue me voir en me demandant « Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ? Il y a énormément de femmes dedans, est-ce que ça te dit de dessiner plein de femmes ? ». Je lui ai dit de me faire lire ça. J’ai lu le pitch et j’en suis tombée amoureuse. Et nous nous sommes contactés par email.

Brian K. Vaughan – Nous avons beaucoup échangé par email, nous nous sommes aussi rencontrés sur les conventions. Je lui ai demandé ce qu’elle détestait et adorait dessiner. Nous avons vraiment collaboré pour créer la série, c’était cool.

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Est-ce que ça a été difficile pour vous de vous mettre dans la tête de toutes ces femmes, d’imaginer leurs réactions ?

Brian Vaughan – Avant Y le Dernier Homme, j’ai fait Swampthing, avec un personnage qui est une plante, et personne ne me demande jamais si c’était difficile de me mettre dans la tête d’une plante. Non ce n’est pas compliqué. Les écrivains sont capables de se mettre à la place de n’importe qui, et d’écrire sur un personnage, que ce soit une femme, ou Captain America, avec qui je n’ai rien à voir non plus. C’est juste une question d’imagination.

Et avez-vous effectué beaucoup de recherche pour cette histoire ?

Pia Guerra – Oui. J’ai fait beaucoup de recherches visuelles. J’avais des tas de photos partout sur mon bureau. J’essaie d’être la plus précise possible, même si ça ne se voit pas toujours. Je veux que tout soit vraiment réaliste.

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– Énormément de recherches. Je me demandais souvent « Mais pourquoi est-ce que j’ai choisi la plus grande bio-ingénieure du monde comme un des personnages principaux ? C’est trop compliqué ! ». Mais on voulait vraiment que ça sonne vrai. Ce concept aurait vite pu virer à de la mauvaise fantasy, et on voulait que ça ressemble vraiment un maximum à la réalité.

Et parlons de Saga, comment le résumeriez-vous ?

Brian K. Vaughan – C’est difficile à résumer… Saga, c’est une histoire épique intergalactique, à propos de deux soldats de camp opposés dans une guerre sans fin, qui tombent amoureux et décident d’avoir un bébé. Mais le reste de l’univers trouve que ça n’est pas une très bonne idée, et tous cherchent à détruire cette famille, donc ils sont obligés de fuir.

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Comment est née l’idée de cette série ?

Brian K. Vaughan – Peut-être parce que j’étais fatigué de faire beaucoup de recherches après Y le Dernier Homme. J’avais besoin d’un monde complètement imaginaire. Mais il y a aussi le fait que je sois devenu papa, et je crois que je voulais parler de cette expérience de la manière la moins ennuyeuse possible. Prendre des choses de mon expérience personnelle, cette peur d’amener un enfant dans un monde aussi terrible que le nôtre. Je me suis dit que je pourrais placer cette peur dans un univers de science-fiction, et intéresser les gens.

Comment vous êtes-vous rencontrés, et comment s’est déroulé votre travail ensemble ?

Fiona Staples – Nous avons été mis en relation par un ami commun, Steve Niles, qui est notamment l’auteur de 30 days and nights. Mais j’ai travaillé avec lui sur une série, Mystery Society, qui est la dernière série sur laquelle j’ai travaillé avant Saga. Après ça, Steve m’a recommandé à d’autres auteurs, dont Brian.

Brian K. Vaughan – Dès que j’ai vu son travail, je me suis dit que je n’avais jamais vu quelque chose comme ça. Surtout venant d’une si jeune artiste. Je ne pouvais pas dire quelles étaient ses influences, d’où elle venait. C’était tellement original !

Fiona Staples – Je suis vraiment heureuse d’entendre ça. Merci !

Brian K. Vaughan – Je me suis dit que ça serait une super collaboration.

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Saga est également une série très vaste et complexe, même si elle n’est pas basée sur notre monde, comme pour Y le Dernier Homme. Comment avez-vous travaillé sur sa construction ?

Brian K. Vaughan – Un de mes films de guerre préféré est Casablanca, parce que ça n’est pas vraiment un film de guerre. La guerre y est complexe et difficile, mais elle est au second plan. Le sujet, c’est surtout comment la guerre affecte deux personnages en particulier. J’ai voulu faire ça. La science-fiction est en général complètement axée sur la guerre, sa complexité, les rebelles, l’empire. Je ne voulais pas faire ça. La guerre c’est quelque chose d’absurde, complexe, et c’est comme si elle était toujours là. Je trouvais plus intéressant de se demander comment une famille parvient à trouver la paix malgré tout ça.

Et comment s’est passé votre travail ensemble pour créer les personnages ?

Fiona Staples – Au départ, Brian m’a juste envoyé la liste des personnages et des lieux. Donc j’ai commencé à travailler le design des personnages pendant qu’il écrivait le premier script. Je me suis basée sur ses descriptions des personnages pour les créer, expérimenter des environnements. Et une fois que le script a été écrit, on les a juste transposés dans l’histoire.

Qu’est-ce qui vous a influencé pour créer cette série et son univers ?

Brian K. Vaughan – J’adore Star Wars. J’aimais quand j’étais enfant, comme en grandissant, comme tout le monde je suppose. Mais j’étais troublé par le fait que mes enfants ont 2 et 3 ans, et ils connaissent déjà tout de Star Wars. Et ça me pose problème que ce soit leur introduction au concept de « guerre », même si j’adore Star Wars. Je pense qu’il est important que les enfants les connaissent, mais c’est une vaste simplification de ce qu’est la guerre. Je crois que j’ai voulu faire comme Georges Lucas l’a fait avec Flash Gordon, une série qui l’a accompagné pendant qu’il grandissait. Prendre les aspects de ce monde qui aiguisent l’imagination enfantine, rajouter des choses personnelles, sur soi et sa vie, et essayer de marier les deux.

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Et vous Fiona, qu’est-ce qui vous a influencée pour créer les décors, les personnages ?

Fiona Staples – J’ai commencé avec ceux qui était dans le script. J’ai essayé de les visualiser de manière à ce qu’ils semblent naturels, qu’ils aient du sens. Par exemple une histoire de géant avec des yeux laser : si chaque chose est à sa place dans l’univers, c’est comme si c’était normal de voir quelque chose comme ça. Donc je me suis inspirée de choses réelles pour l’environnement, les technologies, les animaux…

Dans les deux séries, les femmes ont un caractère très fort. Est-ce que c’était important pour vous ?

Brian K. Vaughan – Pour moi, c’est juste normal. Personne ne demande pourquoi on met des hommes forts, parce qu’on présume que les hommes vont forcément être forts. Je crois que tout le monde a des forces et des faiblesses. Je crois que je n’écris pas les femmes différemment de n’importe quel autre personnage. Je ne les écris pas de manière uniforme. J’essaie juste de trouver des choses intéressantes pour chaque personnage.

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Mais c’est quelque chose de vraiment rare dans le comics, les femmes sont souvent cantonnées à des rôles de personnages secondaires… Pour vous deux, Pia Guerra et Fiona Staples, est-ce que c’était important d’avoir des personnages féminins forts ?

Fiona Staples – Oui, c’est important pour moi. Je crois qu’on parle beaucoup de « personnages féminins forts » mais les gens n’ont pas vraiment idée de ce que c’est, ou alors ils le font mal. Certains pensent qu’un personnage féminin veut dire une femme très puissante, avec des super-pouvoirs, elle combat tout le monde, elle est violente. Pour moi ça veut juste dire un personnage fort, qui est aussi une femme. J’aime qu’il y ait plein de personnages féminins dans le casting de Saga, qu’elles soient gentilles ou méchantes, fortes ou vulnérables…

Et pour vous Pia ?

Pia Guerra – Absolument. Il y a des fois où on lit des scripts où le scénariste ne regarde pas les personnages féminins comme ça, comme des êtres humains. Il y a souvent d’horribles stéréotypes, d’horribles descriptions de la manière dont les femmes devraient être. Et on se dit « je ne ferai jamais quelque chose comme ça ! ». Je ne ferai pas ça, et je voudrais ne pas voir ça. Brian est très bon pour rendre ses personnages aussi réalistes que possible et pour retranscrire ce que les gens feraient dans telle situation. Je respecte beaucoup ça. J’aime les livres qui se concentrent là-dessus. C’est ce que je ressens pour Y le Dernier Homme, c’est une série très égalitaire, et les personnages réagissent d’une manière crédible. Je trouve ça important.

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Vous êtes deux femmes, mais j’imagine qu’il y a peu de femmes dessinatrices dans le milieu du comics… Est-ce difficile pour des femmes de travailler dans ce milieu ?

Pia Guerra – Aujourd’hui tout le monde est ouvert d’esprit là-dessus. Avant, ça provoquait plus de surprises, nous étions peu nombreuses. Les gens demandaient « Pourquoi tu fais ça ? Qu’est ce qui t’intéresse là-dedans ? ». Je n’ai jamais eu l’impression qu’on me disait « Tu n’appartiens pas à ce milieu, tu devrais partir », c’était plutôt « Oh, nous ne nous attendions pas à ça, c’est intéressant, d’où viens-tu ? ». J’aime le comics aussi, j’ai toujours aimé ça. C’est juste le hasard si je suis rentrée là-dedans, et je fais ça. Tout le monde l’a toujours accepté.

Fiona Staples – Il y a du sexisme dans l’industrie du comics. Je ne l’ai pas expérimenté moi-même, mais quand on regarde l’image dans son ensemble, on peut le voir. Il y a très peu de femmes dans les grosses compagnies. Et quand on regarde dans les comics, les personnages féminins sont souvent cantonnés aux secondes places, au mieux. Mais en même temps mon expérience personnelle contredit presque ça. Parce que j’ai travaillé avec de supers collaborateurs, de grands éditeurs, et je n’ai jamais eu l’impression que le fait que je sois une femme ait posé problème.

Pia Guerra – Oui, il y a cette dualité, depuis deux décennies. D’un côté, on entend plein d’histoires sur ce qui ne va pas, on voit que le sexisme existe. Mais de l’autre côté, dans notre expérience personnelle, on ne l’a pas vécu. Je ne l’ai pas expérimenté personnellement, de qui que ce soit, ça s’est toujours bien passé. Je fais mon travail, les gens font le leur, il n’y a jamais eu de problème.

Fiona Staples – Mais je suis heureuse de travailler sur une série qui a énormément de lectrices. C’est peut-être même la plus grosse part de notre lectorat, des femmes de tous les âges. Et je crois que c’est le mieux que nous puissions faire, continuer à faire des livre que les femmes aimeront lire.

Brian K. Vaughan – Je suis entièrement d’accord avec ça.

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Un grand merci à Brian K. Vaughan, Pia Guerra et Fiona Staples, ainsi qu’à Louise pour l’organisation de cette interview !

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Les Commentaires

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Avatar de Tree Hugger
3 avril 2013 à 23h04
Tree Hugger
Oh, c'est rigolo, j'ai justement un ami qui va réaliser un court-métrage librement adapté de deux épisodes de Y Le Dernier Homme !
(Je mets le lien Ulule ici, parce que le projet est chouette.)

En tout cas, l'interview donne envie de lire le tout.
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