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Culture

Art de la séduction, coaching et féminisme : des idées incompatibles ?

L’art de séduire, ou le coaching en séduction n’est pas toujours très bien perçu. Nous avons interrogé des personnes qui le pratiquent pour essayer d’en savoir un peu plus sur ces méthodes controversées.

Publié initialement le 29 janvier 2013

De l’art de séduire

Les Pick Up Artists sont des « experts de la drague ». Le terme, un peu désuet en France, est apparu dans les années 1970. Ce terme est relatif à la communauté de séduction ; il désigne ces individus qui séduisent grâce à des techniques apprises lors de formation, dans des livres ou sur des sites spécialisés sur Internet, parfois un peu de tout ça à la fois. Les techniques sont réputées pour être basées sur le développement personnel et ont été démocratisées par les grands maîtres du domaine : Mystery, qui s’est vu confier la présentation d’une émission de télévision, et Neil Strauss, l’un de ses disciples, auteur du livre The Game : Penetrating the Secret Society of Pickup Artists.

Aujourd’hui, ces méthodes sont moquées, voire carrément montrées du doigt par certain-e-s, et louées par d’autres. Mais comment percevoir cet aspect de la séduction ? Quels sont les bénéfices qu’on peut tirer en faisant de la séduction un apprentissage ? C’est en substance ce que nous avons demandé aux lecteurs et lectrices, coach, coachés, séducteurs lambda ou juste personnes-avec-un-avis, qui ont accepté de répondre à nos questions.

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L’art de séduire, ça s’apprend ?

Julien, un ingénieur passionné de séduction et de développement personnel, est actuellement en pleine création de sa propre société appelé French Dating Assistant. Une sorte de mélange entre le site de rencontres, le partage de conseils pour séduire et l’aide d’un assistant qui rédigera le profil et séduira en ligne à la place des inscrits. Il est formel : entre théorie et pratique, séduire s’apprend. Mais il insiste sur le fait que ce n’est pas avec des phrases toutes faites qu’on fait des miracles et qu’on rentre avec douze filles à son bras (la vie est rarement comparable à une pub Axe) :

« Il n’y a pas de recette miracle, ce sont pour une grande partie des techniques de communication employées depuis des dizaines d’années par les vendeurs, les négociateurs, les hommes politiques, les publicitaires, les hypnothérapeutes… »

Julien, pour qui la découverte de cet univers a été comme une révélation, se base davantage sur l’expression du ressenti, le langage du corps (et pas seulement pour savoir qu’une main qui se dépose violemment sur une joue n’est pas forcément signe d’attirance sexuelle), le toucher et le regard. Cependant, même si on peut suivre un apprentissage pour séduire, il ne faut pas se faire d’illusions : au même titre que je ne saurais jamais mettre ma jambe derrière l’oreille malgré des mois d’efforts, tout le monde ne peut pas exceller de la même façon quand on en vient aux choses de la drague :

« Tous ne deviendront pas des virtuoses de la drague. Si le coaching en séduction peut transformer en quelques heures un homme qui a déjà beaucoup de choses pour lui mais à qui il manque quelques déclics, il serait illusoire de croire que quelques leçons peuvent transformer un cas social en Don Juan. »

L’art de séduire maîtrisé : quels gains perso peut-on en tirer ?

Et si se faire coacher d’une manière ou d’une autre en séduction était finalement un déclic comme un autre pour enfin prendre confiance en soi ? C’est du moins ce qui est arrivé à Mohammed. Après être tombé par hasard sur le site Art De Séduire, et y avoir lu quelques articles, il a décidé de se renseigner un peu plus pour apprendre à séduire. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à lire des livres sur la psychologie féminine ou encore à discuter avec ses soeurs pour s’armer au mieux.

La plupart des techniques prônées actuellement se basent donc sur le développement personnel. À titre d’exemple, l’Elfe, dans un post publié sur son blog Les Questions Composent, présente le principe de la sarge. Les sargeurs sortent pour séduire et mettre ainsi en application les techniques qu’ils ont apprises. Si l’auteure de ce billet estime que les personnes qui pensent régler leur problème avec les femmes avant de travailler sur eux-mêmes sont en majorité, contrairement à ce que leur apprendraient certaines techniques de séduction, elle concède malgré tout un certain bénéfice à la pratique :

« La sarge est ainsi une forme de développement personnel. Ce qui la caractérise, c’est que le développement personnel passera principalement par régler les problèmes rencontrés avec les femmes et la séduction. Bien sûr, un développement personnel intelligent, c’est une forme de travail sur soi qui ne passe pas par une seule voie, mais par une remise en question globale de ses croyances, de ses attitudes face à l’échec ou à la frustration, de ses habitudes… Certains sargeurs l’ont compris, et ne se bornent pas à améliorer leurs rapports avec les femmes, mais agissent sur eux-même par divers moyens qui leur permettent d’augmenter leur confiance en eux et d’interagir positivement avec les autres. Parfois, cette recherche d’une vie plus épanouie et d’une meilleure confiance en soi n’est d’abord qu’un moyen pour parvenir au but d’être un bon séducteur, mais devient en cours de route une fin en soi. »

Tous les coachés, les coach ou les PUA ne sont pas des hommes : L. ne se considère pas comme une pick up artist à proprement parler mais elle connaît bien le milieu et avoue qu’elle y a énormément évolué. À l’âge de 18 ans, elle n’était pas forcément très à l’aise avec elle-même :

« Il y a un peu plus d’un an, j’étais vierge, n’avais jamais embrassé personne, j’étais complexée, désespérée. Et maudissait ces garçons qui ne voulaient pas de moi. Au fond, rien de grave, je n’avais que 18 ans et la plupart de mes ami-e-s étaient dans un cas similaire au mien. Mais ça me pesait vraiment. »

Elle avait découvert la mouvance dans les médias et s’était quelquefois rendue sur certains sites du genre avec un regard moqueur. Et puis un jour, elle a eu le déclic, qu’elle ne semble absolument pas regretter avec le recul. Après avoir analysé un site, en avoir lu tous les articles, elle avoue que sa vie a changé et qu’elle a connu toutes les choses de la séduction en très peu de temps. Premier baiser, premières fois, premières relations, premier « râteau »… :

« Je suis mille fois mieux dans ma peau aujourd’hui. Il y a beaucoup de bon à prendre sur ce genre de site. Au final, ça tourne majoritairement autour de l’idée de prendre confiance en soi et vivre une vie mouvementée (sortir, faire du sport, étudier, travailler, se cultiver…), et très peu de garçons suivent vraiment les conseils donnés. Il y a énormément de lecteurs, très peu qui appliquent. Une grande partie du public est constituée de gens qui viennent là piocher un conseil ou deux, et puis repartent. Très peu de gens restent longtemps dans cette « communauté ». Ceux qui sont célèbres ne sont souvent que des cas extrêmes. »

A contrario, un lecteur qui a préféré rester anonyme fustige quelque peu certains coachs qui se font rémunérer. Pour lui, qui a appris à draguer au contact d’un ami naturellement séducteur, c’est une façon de profiter de la faiblesse des autres :

« Selon moi si quelqu’un veut plusieurs filles dans sa vie, il faut qu’il s’entoure de filles. Les gars qui étudient le pick up vont de convention à convention (où il y a seulement des gars) et des gourous parlent de leurs exploits. En d’autres mots, si quelqu’un veut rencontrer l’âme sœur je crois que la dernière place où c’est possible de la trouver, c’est dans une telle convention, non? Note bien que ces gars paient des sommes phénoménales (40$ pour un livre électronique et jusqu’à 5000, voire 10 000$ pour quelques jours de coaching dans un séminaire de drague)… »

hitchForcément que ça marche pour lui, c’est WILL SMITH.

L’art de séduire : une pratique anti-féministe ?

Quand nous avons lancé notre appel à témoins, vous avez été nombreuses à parler de pratiques anti-féministes aux effluves archaïques.

Quand elles sont interpellées dans la rue, certaines lectrices ne le vivent pas forcément bien. Roox y voit comme une sorte de harcèlement de la part d’hommes qui ressentent à ses yeux une certaine rage à l’encontre des femmes (c’est du moins le ressenti qu’elle a eu après avoir analysé quelques forums). Elle pointe d’ailleurs du doigt l’utilisation par certains membres du terme « proie » pour désigner les femmes, une façon de voir les membres du sexe féminin non seulement comme des objets à collecter, mais aussi comme des adversaires.

Les negs peuvent être perçus comme une illustration de cette adversité : utilisées par les pick up artists, players et sargeurs, le terme désigne des petites piques lancées à l’intention des femmes pour attirer leur attention. Des sortes d’anti-compliments destinés à bousculer un peu les filles qui se font toujours draguer de la même façon et qui ont de ce fait acquis une façon de se défendre face aux mêmes phrases élogieuses, un commentaire plus ou moins humoristique qui visera un petit « défaut » de l’interlocutrice dans le but de la désarçonner et de piquer sa curiosité. Parfoisn c’est bien fait, mais il arrive que ce soit blessant. Et comme il est possible de les lire dans les commentaires de l’appel à témoins, cela peut également être perçu comme une forme de harcèlement de rue. Et le harcèlement de rue, c’est fatigant.

Ce n’est pas parce que Mohammed a pris confiance en lui grâce à des sites comme Art de séduire qu’il manque pour autant d’esprit critique. Dès son premier passage sur le site, les articles l’ont fait rire, l’ont interessé ou l’ont carrément énervé à cause du traitement qui y était fait des femmes :

« Bien sûr, je ne dévalorise aucunement les femmes. […] Je déteste certains termes comme « cible », « plan » ou « stratégie ». Ça enlève tout le côté humain de la chose. »

Anashka est coach pour le site Séduire un homme, petite soeur de Art de Séduire. Elle a déjà fait des tournées des bars pour draguer entourée de PUA, et connaît donc très bien le milieu. Elle a déjà repéré des cas de clichés réducteurs envers les femmes, que ce soit avec certains PUA qui glorifiaient le machisme en même temps qu’ils rabaissaient le féminisme, ou avec des séducteurs qui ont parfois tendance à percevoir la femme comme un petit être fragile qu’ils doivent protéger. Des clichés qu’elle essaie de combattre sur le site pour lequel elle écrit :

« Les femmes comme les hommes peuvent séduire (avec les mêmes stratégies). Les hommes comme les femmes ont leurs fragilités et leurs forces. Les femmes comme les hommes sont, parfois, des crétin-e-s avec l’autre sexe. Les hommes comme les femmes, peuvent briser des coeur et « mal se conduire ». Ce n’est pas une affaire de genre mais de personnes. »

En quelque sorte, l’art de la séduction se joue à plusieurs vitesses. C’est d’ailleurs Anashka qui me l’a fait remarquer, en mettant bien à part dans ses raisonnements les pick up artists et ceux qu’elle appelle tout simplement les séducteurs.

L’idée d’une « recette » de l’art de séduire : un problème ?

Dans les forums, il a été plusieurs fois précisé que l’un des gros problèmes de ce genre de pratiques était l’idée même qu’on pouvait appliquer la même méthode pour aborder tou-te-s les représentant-e-s d’un même sexe. Une sorte de recette miracle qui dénierait toute forme d’humanité aux « cibles », qui irait à l’encontre du principe même d’unicité de chacun. L., notre lectrice qui a vu sa vie changer en se plongeant sur ce genre de sites, explique avoir essayé de combattre ce genre d’idées préconçues, parfois en vain :

« Je suis féministe, et je suis souvent très en colère quand je lis certains propos très généralisants (« les femmes préfèrent ceci », « vous devez vous faire respecter en temps que mâle alpha »…). Je me suis plusieurs fois lancée dans de grands débats. Mais comme souvent je me suis rendue compte que, plus que poussés par des idées discriminantes, les gens qui se disent contre le féminisme le sont plus généralement par ignorance ou naïveté. Et puis y a des cons, comme partout. »

Pour Anashka, le principe de séduction naturelle n’existe pas et c’est justement en connaissant le mieux possible ses contours qu’on apprend à rester au fur et à mesure un peu plus soi-même. En ce sens, suivre des techniques est une façon de se mettre le pied à l’étrier pour ensuite s’adapter selon sa personnalité et celle de la « cible » :

« Nous jouons forcément un jeu où nous essayons de vendre la meilleure image de soi. Et, moins nous connaissons les mécanismes de la séduction, moins nous sommes nous-mêmes. Les personnes qui viennent demander conseil manquent de confiance en elles. À défaut, elles feront confiance, dans un premier temps, à des techniques (qui marchent quand elles sont appliquées). Elles finiront par les intégrer mais surtout par se les approprier. Il ne s’agit pas de coller à la technique mais de faire correspondre la technique à soi. À force de succès, la personne n’aura plus besoin de « techniques ». Elle connaîtra SA manière de fonctionner dans la séduction, ce qui chez ELLE, marche ou non. Et elle assumera ces parts-là. C’est ce que nous visons. »

Le lecteur anonyme mentionné précédemment a un avis très tranché sur la question : dans la séduction, nul besoin de clichés ni de plan de drague tout fait. Il explique :

« Le monde du PUA me fait penser aux annonces que tu peux voir tard la nuit à la télé : « Gagne 10 000 000 $ par an sans travailler ». Malheureusement, la seule façon de devenir un vrai séducteur c’est d’être bien dans sa peau, de passer beaucoup de temps avec beaucoup de femmes. Pour les comprendre véritablement, il s’agit aussi de comprendre que les femmes ne sont pas « contre les hommes » – en autre mots qu’on veut tous la même chose : être connecté avec d’autres êtres humains qui nous aiment pour ce qu’on est. »

Pour résumer, on pourrait dire que le coaching en séduction est souvent plus modéré que ce qu’il nous est donné de voir. Quand il est bien traité et bien compris, il apparaît alors comme un véritable marché, non pas pour renforcer les divergences entre les sexes, mais comme une façon de prendre confiance en soi et de prendre conscience de son propre potentiel de séduction. Il faut garder en tête le fait qu’avant d’appliquer des techniques, les personnes qui utilisent ces « stratégies » sont avant tout des humains avec un bagage, des expériences avec le sexe désiré et une personnalité… et que certains craquent un peu, quand d’autres savent lire entre les lignes.

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Les Commentaires

10
Avatar de DestyNova_
29 avril 2013 à 10h04
DestyNova_
(par ici le bonheur)

Critique : "vous êtes aigri"

Réponse argumentée : "Et pourquoi est-ce que tout le monde dit que je suis aigri simplement parce que 99.999% des filles sont des salopes ?"

0
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