En 2014, la journaliste Judith Duportail s’est retrouvé célibataire. Comme près de 50 millions de personnes dans le monde, c’est sur l’application Tinder qu’elle a décidé de chercher l’amour.
Mais la suite a été moins sentimentale que prévue.
Des utilisateurs Tinder notés sur leur « désirabilité »
Le 21 mars dernier, la journaliste a publié L’amour sous algorithme, fruit d’une enquête de plusieurs années sur le fonctionnement de l’appli de rencontres.
Contactée par téléphone, Judith Duportail m’explique comment un article dans le magazine américain Fast Company a éveillé sa curiosité :
« L’auteur évoquait le fait que l’appli utilise une note secrète de « désirabilité » pour classer ses utilisateurs. Elle calcule la popularité d’un profil sur l’appli pour le faire matcher avec des gens de « sa ligue ».
C’est ce qu’on appelle le score Elo, c’est une système de notation qui vient des échecs, une cote qui évolue en permanence en fonction de nos « victoires » et nos « défaites ». »
Révoltée par ce fonctionnement, elle commence à interroger son propre usage de l’appli.
Tinder, une drogue pour célibataire ?
Les premières découvertes que fait la journaliste révèlent le caractère addictif de Tinder.
Grâce à un avocat et un activiste, elle demande l’intégralité de ses données personnelles et reçoit un fichier PDF de 800 pages qui compile notamment l’ensemble des conversations privées qu’elle a eu sur le chat de l’application.
« J’ai été mise nez à nez avec mon comportement. J’étais addict, j’agissais compulsivement, il m’arrivait de ghoster des gens…
Des spécialistes m’ont expliqué que les réseaux sociaux et Internet pouvaient devenir un véritable exutoire. Le nombre de personnes avec lesquelles on peut interagir banalise une sorte de désinvolture cruelle.
Je pensais avoir discuté avec 50 mecs alors que j’avais interagi avec 800 personnes. Il y a une vraie différence entre le comportement que l’on pense avoir et celui qu’on a vraiment sur Internet. »
Tinder, lui, n’oublie rien, il enregistre tout.
Dans le brevet de l’appli que la journaliste s’est procuré, il est bien précisé que Tinder se base sur les données personnelles pour fournir « une meilleure utilisation » aux personnes inscrites.
Mais derrière les algorithmes censés nous aider à trouver l’âme sœur, Judith Duportail a trouvé des biais peu romantiques…
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Les algorithmes sexistes de Tinder
La journaliste précise qu’il est très difficile de savoir comment Tinder fonctionne vraiment :
« Après plus de 2 ans d’enquête, le système reste très opaque. Même quand j’approchais les gens de la boîte avec des documents qu’ils avaient eux-mêmes rédigés, ils barricadaient leur communication.
Le brevet Tinder rassemble ce que Tinder se réserve le droit de faire, mais ça ne traduit pas forcément ce qu’il fait à l’instant T… »
Le brevet détaille le sytème de notation très sophistiqué des profils qui calcule la popularité selon le niveau d’éducation, le niveau de langage des messages…
Certains critères sont ouvertement sexistes, comme le raconte Judith Duportail dans L’amour sous algorithme :
« Le document stipule que les hommes et les femmes ne sont pas évalués de la même façon.
Les femmes ont par exemple des points malus si elles ont fait des études, alors que ce critère fait gagner des points aux hommes.
Le système de matching privilégie un modèle dans lequel l’homme doit avoir le dessus sur la femme : être plus éduqué, plus riche, plus âgé. »
Bien plus qu’un moyen de trouver un plan cul, Tinder et ses algorithmes ont des conséquences très concrètes sur notre vie intime, en déterminant qui nous avons le droit d’approcher ou non…
Tinder, vers un système plus humain ?
Si le sytème Tinder manque toujours de transparence, l’entreprise a annoncé abandonner le score Elo, 4 jours avant la sortie du l’enquête de Judith Duportail.
« J’ai envie de croire que le système va être plus équitable, mais il faut garder en tête que la solitude est au cœur du business model de Tinder.
Il faut se rappeler que c’est avant tout un empire financier qui n’a pas pour but de nous faire trouver l’amour mais de nous faire revenir encore et toujours sur l’appli. »
Donc si ça ne matche pas trop pour vous en ce moment, ne soyez pas trop promptes à vous flageller l’égo : c’est juste le sytème qui fonctionne bien…
Pour rester saine d’esprit, la journaliste conseille d’avoir un usage modéré de l’appli :
« Quand on a déjà swipé une dizaine de profils, on n’est plus en mesure de juger. Mieux vaut parler à un nombre limité de gens à la fois.
Quand tu as un usage compulsif, que tu parles avec 30 mecs, tu peux facilement laisser passer à côté de l’homme de ta vie sans t’en apercevoir. »
Et toi, tu as déjà eu un comportement addictif à une appli de rencontre ? Choquée par le fonctionnement des algorithmes Tinder ?
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-> Tant et si bien que