— Article publié le 23 juillet 2011
Parce que parfois, on a l’impression que tous les prétextes sont bons… voici 15 raisons qu’on entend souvent quand quelqu’un clame ne pas être féministe.
1. « Je ne suis pas d’accord avec les féministes »
Sauf si tu es contre les droits des femmes, ça va être compliqué de ne pas être d’accord avec les féministes, tout simplement parce que leurs positions sont incroyablement variées.
Si tu penses que les hommes viennent de Mars, tu es féministe essentialiste (tu crois qu’il y a une « essence » masculine ou féminine).
Si tu penses qu’on est humains avant tout, tu es anti-essentialiste. Si tu crois qu’on apprend surtout à se comporter comme une femme, tu es constructionniste.
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Et la liste ne s’arrête vraiment pas là (mais les pages Wikipédia te donneront un schéma complet). Certain·es féministes sont pour le porno ou la prostitution, d’autres sont contre ; certain·es soutiennent les femmes qui retournent au foyer, d’autres encouragent les super carrières pro — la plupart sont pour tous les modes de vie, pourvu qu’ils résultent d’un choix éclairé…
« Ne pas être d’accord avec les féministes, ça ne veut tout simplement rien dire. En France, rien qu’entre Elisabeth Badinter et Clémentine Autain, c’est le grand écart ! La seule chose qui soude les féministes, c’est l’envie de conserver et de faire progresser les droits des femmes. Dur d’être contre. »
2. « Je n’aime pas les mots en -isme »
Les mots en -isme sont souvent des concepts. Les concepts sont ce qu’on utilise pour créer du sens et des discours intelligents.
Si tu n’aimes pas les mots en -isme (érotisme ?), alors ton problème n’est pas avec le féminisme mais avec la paresse intellectuelle.
Je dis ça, je dis rien.
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3. « Les féministes s’occupent des mauvais combats »
Les anti-féministes citent souvent les Chiennes de Garde comme exemple du féminisme français. Sauf que les Chiennes de Garde sont médiatiques… parce que leur sphère d’action, c’est justement les médias !
En dehors de cette boucle de l’enfer (les féministes parlent des médias donc les médias réagissent en parlant de ces féministes), les associations s’attaquent au viol, aux violences, aux banlieues, à l’égalité salariale, à la liberté d’avorter, etc.
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Les grands sujets ne sont pas oubliés, c’est juste que les médias n’en parlent pas ou seulement le 8 mars. Ensuite, mauvais combat, ça reste à définir. Symboliquement, la féminisation des titres serait une avancée énorme.
C’est sûr que ça ne donne pas à bouffer tout de suite à la fin du mois, mais ça aiderait peut-être les petites filles à s’imaginer chirurgiennes plutôt que sage-femmes… Quand on hiérarchise les luttes, on n’est pas en train d’agir.
4. « Les féministes répètent toujours la même chose »
Bah elles seraient ravies d’arrêter, mais comme la situation ne change pas… les discours non plus.
CQFD, j’ai envie de dire.
5. « Je veux rester à la maison, faire des enfants et avoir un homme qui gagne l’argent du foyer »
Formidable. Rien de tout ça ne t’empêche d’être féministe et de vouloir une meilleure vie pour les femmes en général, de même que personne ne te met un pistolet sur la tempe pour utiliser tous tes droits (je ne me sens pas obligée par contrat d’avorter).
En plus, même avec un style de vie rétro, tu as sans doute envie qu’il soit illégal qu’on te tape dessus.
6. « Je trouve qu’on est déjà trop loin dans l’égalité »
Non, sérieusement ? Les écarts de salaire, les violences, l’éducation sexiste, la représentation politique, le plafond de verre, ça ne te parle pas ?
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Bon, tant pis. De toute façon, on ne peut pas aller trop loin dans l’égalité. On ne peut pas être un peu égal, à moitié égal, ou trop égal : soit on l’est, soit pas (et pour l’instant on n’y est pas).
À noter que souvent, les opposant·es du féminisme se plaignent de cette histoire d’égalité, qui nous condamnerait à être « tous pareil ». Sauf que…
- Égalité n’est pas identité (on peut être à égalité sans être identiques, sinon le premier article de la Constitution nous obligerait à nous cloner)
- Il y a un féminisme qui défend ça : le féminisme essentialiste… qui se trouve être plutôt bien représenté en France !
7. « Les féministes ne s’occupent que des femmes »
Avec généralement la remarque suivante : « Dans féminisme, il y a femme ».
Et dans humanisme il y a humain, pourtant ça ne veut pas dire qu’on déteste les animaux ou les arbres. Alors rassurons-nous : des associations féministes mixtes, il y en a un paquet, on peut donc y croiser des hommes, venir avec son frère, son copain, son cousin…
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Le féminisme (du moins, certains féminismes) défend les droits des pères, soutient les hommes non-hétéros, encourage le congé paternité et cherche des pistes pour créer une virilité moderne.
Ce n’est pas facile. Le féminisme a besoin de plus d’hommes prêts à poser ces questions.
8. « À cause du féminisme, il n’y a plus de vrais mecs »
Le féminisme a rebattu les cartes des rapports entre les genres, c’est sûr.
Les hommes sont en train de réinventer la virilité et si certains choisissent les produits de beauté et les poussettes, alors même que la société leur hurle de rester stoïques et puissants, c’est sans doute… qu’ils en ont vraiment très très envie !
Aujourd’hui, les hommes gagnent le droit d’être hommes de la manière qui leur plaît.
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Ce n’est pas à nous de les juger alors qu’ils commencent tout juste à s’émanciper.
En plus, quand on parle de vrais mecs, il faudrait voir à ne pas oublier qu’on n’a jamais connu le mâle façon années 50. À mon avis, ce n’était pas si funky que ça !
9. « Les féministes sont revanchardes »
Non. Vraiment pas. Revancharde, ça voudrait dire qu’elles demanderaient plus de droits pour les femmes que pour les hommes, ce qui est une aberration totale.
L’extrême majorité des féministes veut changer le monde pour vivre en paix, et passer à autre chose.
Ensuite, il peut arriver d’entendre des remarques amères, parce que certaines féministes ont vécu des choses amères, dont notre génération n’a pas gardé le souvenir.
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Ma mère était obligée de prendre des cours de couture à l’école pendant que les garçons jouaient au foot, elle devait débarrasser pendant que son petit frère la regardait faire : les blessures ne se referment pas en cinq minutes.
Quand une féministe dit quelque chose qui semble excessif, avant de hurler « PUTAIN JE VOUS L’AVAIS DIT TOUTES DES HARPIES », il faudrait s’interroger sur ce qu’elle a vécu.
Je ne suis pas d’accord avec certaines féministes qui veulent se libérer du sexe. Mais je comprends qu’en ayant subi une vie sexuelle nulle à une époque où l’orgasme féminin était le dernier souci d’environ tout le monde, on arrive avec un passé chargé.
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Le mieux, c’est de poser la question. Et de donner son avis quand on n’est pas d’accord.
10. « Les féministes ont un problème avec les hommes »
En fait, petit scoop : les féministes ne passent pas leur temps à dire du mal des hommes.
Leur problème, c’est le patriarcat, c’est-à-dire le système qui veut qu’un homme vaut plus qu’une femme. Mais si quelqu’un entend parler de féministes commettant des crimes sexistes contre les hommes, des viols, des coups, des dénigrements systématiques, qu’on me tienne au courant.
Le féminisme n’a jamais tué personne. Contrairement au sexisme.
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11. « Les féministes sont des mal baisées »
Argument invalide depuis toujours (et même si on était mal baisée, il faudrait du coup fermer sa gueule sur tous les sujets politiques ?), mais plus encore depuis que le féminisme de la troisième vague est squatté par les féministes pro-sexe.
Les militantes sex-positives sont (aussi) des hardeuses, des sexologues, des prostituées, des performeuses, des Suicide Girls, des réalisatrices porno, des créatrices de sextoys…
12. « Je préfère le mot antisexiste »
Antisexisme et féminisme, c’est pareil.
Mais féminisme est un chouette mot avec une chouette histoire. Enfin de toute façon, tu fais ce que tu veux.
C’est juste dommage de ne pas rendre hommage aux générations de femmes qui ont obtenu tous nos droits en se rangeant sous cette bannière, d’autant que sans vouloir me répéter, dans féminisme, il y a vraiment tous les courants.
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13. « J’assume pas »
Ha, c’est sûr que les gens réagissent quand on dit qu’on est féministe !
Mais ceux qui veulent te culpabiliser avec ça, ils se moqueront aussi de tes fringues, de ton nez, de ta cellulite, de ton caractère ou de ton chat. On ne peut pas échapper aux moqueries.
Féministe, c’est à hurler de rire ? Si toutes les filles s’affichaient demain comme féministes, ça calmerait sérieusement le jeu. Et puis on peut être féministe et se moquer de soi-même, c’est pas incompatible.
14. « Je n’ai pas envie de me prendre la tête »
On n’est pas toutes des militantes dans l’âme. Parfois on a envie de citer Diam’s et de chanter « J’ai pas de temps à perdre dans des prises de tête, pourquoi tu m’observes, pourquoi tu me regardes ? ».
Mais je pense qu’on peut être féministe de manière vraiment simple : déjà, en disant qu’on est féministe, c’est-à-dire en acceptant d’être un des visages de cette lutte (si vous ne voulez pas discuter parce que vous pensez que vos convictions sont trop fragiles, dites « Je n’ai pas envie de rentrer dans un débat qui va durer quatre heures, je suis féministe et c’est tout »).
Vous n’avez pas besoin de vous justifier.
Dans votre vie de tous les jours, vous pouvez essayer d’être un peu solidaire des autres femmes, de partager les taches avec votre copain, ou d’élever vos enfants loin des normes sexistes. Ce sont des petites choses pas embêtantes.
Finalement, ce qui compte, c’est d’occuper le terrain. Être féministe c’est dire : « je suis là ».
15. « Franchement, je suis contre les droits des femmes, qui sont des êtres inférieurs »
Bon, d’accord. Là, tu ne peux pas être féministe !
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Les Commentaires
Ce serait sans doute beaucoup mieux pour elleseux si personne n'ouvrait la bouche pour dénoncer des inégalités parce qu'ellesils pourraient se bercer d'illusions,c'est tellement plus confortable mais rien n'avancerait.
Je trouve qu'il y a également l'idée qu'une femme ou une personne perçue comme telle doit être douce et timide et surtout ne jamais se mettre en colère ou revendiquer pour quoique ce soit